par Denis
Horman
La FGTB de Charleroi Sud Hainaut explique le sens de
son appel du 1er mai
Le 1er
mai 2012, le secrétaire régional de la FGTB Charleroi Sud Hainaut, Daniel
Piron, lançait, au nom du comité exécutif de la régionale FGTB, un appel à un
rassemblement politique large, sur le champ politique et électoral, à la gauche
du PS et d’Ecolo, dans le but de promouvoir une véritable alternative
anticapitaliste. Quelques semaines plus tard, le secrétaire général de la CNE
(CSC), Felipe Van Keirsbilck, s’exprimait dans le même sens. Plusieurs
responsables syndicaux faisaient de même.
Le 27 avril
2013, cet appel suscitait le rassemblement, à Charleroi, de près de 400
personnes: syndicalistes, militant·e·s des mouvements sociaux, des
organisations de la gauche radicale... «La vraie gauche est en marche, plus
rien ne l’arrêtera», c’est sur ces mots que Daniel Piron allait conclure cette
journée de débats et de lutte, appelant à élargir cette initiative en Wallonie,
à Bruxelles et en Flandre.
Conférence de presse FGTB Charleroi ce 18/09 : de gauche à droite Antonio Zonca (Métal), Carlo Briscolini (Président de la régionale) et Daniel Piron (Secrétaire Régional) |
Pour
expliquer le sens et la démarche de son appel du 1er mai, la FGTB de
Charleroi vient de sortir, à plusieurs milliers d’exemplaires, un petit
fascicule, sous forme de huit questions et réponses, intitulé «Indépendance syndicale et
politique».
La responsabilité du mouvement syndical
«Le syndicat peut-il s’occuper de politique»? C’est la première question à laquelle la FGTB Carolo
répond d’emblée: «Non seulement il le
peut, mais il le doit». Et de rappeler la Déclaration de Principes de la
FGTB mettant l’accent sur la défense d’un projet de société sans classes
incompatible avec le capitalisme. Ce qui implique «l’abolition de ce système et son remplacement par un autre, socialiste
et démocratique».
Pour la FGTB
de Charleroi, «c’est au nom de notre
objectif ultime d’une société sans classes que nous luttons contre le pouvoir
de la minorité capitaliste et pour le pouvoir aux travailleurs et aux
travailleuses. En ce sens-là, oui, nous devons nous occuper de politique».
Pour stopper
la régression sociale et imposer des revendications anticapitalistes, «nous avons besoin en premier lieu d’un
syndicalisme plus combatif et démocratique», souligne la brochure de la FGTB Charleroi Sud Hainaut,
qui précise en même temps que l’action syndicale ne suffit pas, qu’elle doit
être prolongée par une action politique, à tous les niveaux de pouvoir: «Le syndicalisme pur, sans relais
politique, n’est pas une solution».
Et là, le
constat, déjà avancé dans l’appel du 1er mai 2012, est lucide et
tranchant: «Ceux qui se disent nos ''amis
politiques'' au parlement et au gouvernement, la social-démocratie et les Verts
(…) se sont convertis aux dogmes néolibéraux de la compétitivité et de la
privatisation (…). Ces partis ont collaboré et continuent à collaborer à
construire l’Europe capitaliste, qui est une machine de guerre contre le monde
du travail (…). Du Plan global aux mesures Di Ruppo, en passant par le pacte
des générations, ils aident délibérément à faire passer la pilule de
l’austérité contre la résistance syndicale».
Les exemples
de la Grèce, de la Grande-Bretagne, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne,
avancés dans la brochure syndicale, montrent que les politiques gestionnaires,
pratiquées et appuyées par les partis
sociaux-démocrates, ont fait et font le jeu de la droite et de la droite
extrême: «Dans ces pays, cette droite en
a profité pour former des gouvernements encore plus agressifs contre les
travailleurs. Dans ces conditions, la stratégie de l’aiguillon est un piège
mortel, nous devons en sortir d’urgence».
La FGTB de Charleroi veut-elle créer un nouveau parti
politique?
«Non, nous ne créons pas un parti, ce n’est pas notre
rôle. Nous proposons que la FGTB favorise activement l’apparition d’une
nouvelle force anticapitaliste sur le champ politique et électoral. Ce n’est
pas la même chose».
Comme Daniel
Piron l’avait déjà signalé dans l’appel du 1er mai, la brochure
souligne que cette force, ce regroupement, qui pourrait à terme devenir un
parti, doit avoir pour vocation de s’élargir. Si, sur Charleroi, s’est formé un
comité de soutien à l’appel, avec les partis de la gauche radicale, la FGTB de
Charleroi invite les membres de gauche du PS et d’Ecolo à rejoindre la
dynamique qui se met en place. Elle invite également les intellectuels de
gauche, les militants associatifs à se solidariser avec l’appel.
Comment faire concrètement?
Pour la FGTB
Charleroi Sud Hainaut, la première chose à faire, c’est de rompre les liens
privilégiés avec le PS. C’est ce qu’elle a déjà fait depuis quelque années: «Il ne s’agit pas de dénoncer le PS comme
un ennemi ou de le calomnier, mais de comprendre que les liens privilégiés de
la FGTB avec le PS, dans le cadre de l ’Action Commune Socialiste, nous
empêchent de sortir de la stratégie de l’aiguillon qui nous enfonce dans
l’impasse».
En
conclusion de la journée du 27 avril à Charleroi, Daniel Piron signalait que le
comité de soutien à l’appel du 1er mai était chargé d’élaborer un
plan d’urgence anticapitaliste. C’est la deuxième tâche évoquée dans la
brochure: «Il s’agit d’élaborer le
programme anticapitaliste que nous, en tant que syndicalistes, voulons voir
relayé sur le terrain politique (...). Un programme anticapitaliste est la
seule alternative possible face à la situation. Nous n’avons pas la prétention,
à nous seuls, de l’élaborer dans toutes ses dimensions. Nous en proposerons
une première ébauche, à compléter et
enrichir avec d’autres».
Quant au
nouveau relais politique, là non plus, il ne s’agit pas seulement d’un relais
politique de la FGTB: «Nous voulons que
se forme un nouveau relais politique du monde du travail dans son ensemble». Le
fait que, du côté chrétien, la CNE s’est associée à la démarche de l’appel du 1er
mai est considéré par la FGTB de Charleroi comme un fait d’une très grande
importance: «Cela montre que notre
stratégie, loin d’être une source de division, peut contribuer au contraire à
dépasser certaines divisions historiques du monde du travail».
Cette
possibilité de convergence autour d’un projet politique commun n’est pas
seulement perçue comme une chance par la FGTB de Charleroi, qui l’a stimulée.
Cette démarche montre à la fois la lucidité et la responsabilité assumée par
cette régionale syndicale, face à tous ces «experts» et politiciens qui nous
prédisent la fin du tunnel pour bientôt: «Nous
devons bien voir que cette possibilité de convergence trouve son origine
fondamentale dans l’extrême gravité des menaces qui pèsent sur le monde du
travail. La classe dominante européenne a lancé une attaque frontale contre nos acquis sociaux et
démocratiques. Elle peut feindre de lâcher un peu du lest à un moment pour
éviter une explosion sociale ou une déroute électorale des partis établis. Mais
elle n’a pas d’autre voie que de continuer son œuvre de destruction sociale et
écologique pour le profit d’une minorité de la population».
Sans le PS, ce sera pire?
C’est parce
que ce leitmotiv va inévitablement revenir dans la campagne électorale du PS
que la FGTB de Charleroi pose elle-même la question: «Mais tout cela (l’appel du 1er mai, ndlr) n’est-il pas une
dangereuse utopie, alors que la droite et le patronat sont à l’offensive et que
la Belgique est «au bord du gouffre», ce qui fait courir de graves dangers à la
Sécurité Sociale?».
«Au contraire»,
répond la FGTB régionale, «croire qu’en
se pliant à la logique capitaliste, faire le gros dos en attendant que ça
passe, cela va nous aider, c’est être particulièrement naïf. Nous sommes le dos
au mur, nous n’avons pas d’autre issue que la lutte et l’unification
internationale des luttes dans la perspective d’une autre Europe (…) et aider à
l’émergence et au développement de cette force politique nouvelle,
anticapitaliste, à gauche du PS et d’Ecolo, pour qu’elle devienne la plus large
possible. Voilà la stratégie politique que nous proposons à la place de celle
de l’aiguillon. C’est le sens de l’appel que nous avons lancé le premier mai
2012».
Quant au
«sauvetage de la Belgique», c’est souvent un faux prétexte pour imposer des
reculs sociaux: «Après 540 jours de
négociations «communautaires», la note du premier ministre Di Rupo, au nom du
compromis «pour sauver la Belgique», comprenait toute une série de
revendications de la N-VA, alors même que ce parti n’était finalement pas
partie prenante de la majorité gouvernementale».
Pour la FGTB
Charleroi Sud Hainaut, la solidarité nationale, «celle de la solidarité de classe, celle des travailleurs», est
fondamentale et «toute rupture de cette
solidarité nationale conduit à moins de moyens pour organiser la solidarité». Et
de prendre l’exemple de la Sécurité sociale,
sachant que dans la prochaine
campagne électorale, le PS reviendra sur un autre de ses leitmotiv: «Nous
sommes le dernier rempart, au gouvernement, contre la scission de la Sécurité
sociale»!
C’est vrai
qu’une grande menace pèse sur notre Sécurité sociale. «Sa scission serait une catastrophe pour le monde du travail»,
reconnaît la régionale FGTB: «il faut
l’éviter, mais comment? En acceptant la poursuite du démantèlement des acquis
sociaux? En soutenant la monarchie, soi-disant ''trait d’union entre les
Flamands et les wallons''. Ce choix entre la peste et le choléra est celui que
le gouvernement Di Rupo nous impose. Nous le refusons».
Et là, la
régionale FGTB avance une revendication qui devrait être portée par le
mouvement syndical sur le terrain politique: «Nous disons aux politiques: la Sécurité sociale appartient aux
travailleurs et travailleuses; les cotisations patronales ne sont pas des
''charges'', mais du salaire différé et collectivisé; nous exigeons la gestion
ouvrière et démocratique de la Sécurité sociale».
Et notre indépendance syndicale dans tout ça?
«Nous sommes un contre-pouvoir indépendant de tout
parti politique et nous le resterons toujours, même dans une société non
capitaliste». Et la FGTB carolo de
préciser: «Ce qui menace l’indépendance
syndicale aujourd’hui, ce n’est pas que nous nous occupions de politique, c’est
la manière dont nous nous en occupons (…). Nous organisons des mobilisations
contre l’austérité et, systématiquement, la stratégie de l’aiguillon nous amène
à sacrifier nos revendications pour ne pas mettre en danger la politique du PS
et d’Ecolo, au nom de ce ''moindre mal''. On en arrive à un point tel
aujourd’hui que certains responsables syndicaux, au nom de ce ''moindre mal'',
ne veulent même plus organiser la lutte contre l’austérité».
La stratégie
alternative proposée par la FGTB Charleroi Sud Hainaut permet, à ses yeux, de
retrouver «une vraie indépendance
syndicale»: élaborer nous-mêmes, en tant que mouvement syndical, notre
programme de lutte, en fonction d’une seule préoccupation: les besoins des
travailleur·euse·s. En les encourageant à s’impliquer activement et
démocratiquement, afin que ce programme et ces luttes soient les leurs. «Alors, au lieu que les partis nous dictent
leur politique, c’est nous qui exigerons des partis qu’ils s’engagent à lutter
avec nous pour ce programme».
Tout en
proposant que le mouvement syndical «favorise
activement l’apparition d’une nouvelle force anticapitaliste sur le champ
politique et électoral, une force aussi fidèle aux intérêts du monde du travail
que les forces existantes sont fidèles aux intérêts des patrons», la
régionale FGTB Charleroi Sud Hainaut tient à rappeler, en tant qu’organisation syndicale,
son indépendance absolue vis-à-vis de
tous les partis politiques.
En soutien à la démarche de la FGTB Charleroi Sud
Hainaut
Ayant
compris immédiatement l’importance de l’Appel lancé le premier mai 2012 par le
secrétaire régional de la FGTB Charleroi Sud Hainaut, notre organisation, la
Ligue communiste révolutionnaire (LCR) s’est investie activement dans le comité
de soutien à cet appel.
Ce n’est pas
la première fois dans l’histoire de notre pays que des secteurs du mouvement
syndical rompent avec le Parti socialiste, mais c’est la première fois qu’un
pan entier de la FGTB se prononce pour une alternative politique à la gauche du
PS et Ecolo et se met à agir concrètement pour favoriser le rassemblement et la
structuration d’une nouvelle force politique anticapitaliste et son
développement sur le champ politique et
électoral.
La LCR a
compris immédiatement l’importance de cet événement. Elle appelle la gauche
anticapitaliste à prendre ses responsabilités sans esprit de boutique pour que
la brèche s’élargisse au maximum.