18/09/2013

Huit questions, huit réponses sur «indépendance syndicale et politique»



par Denis Horman

La FGTB de Charleroi Sud Hainaut explique le sens de son appel du 1er mai

Le 1er mai 2012, le secrétaire régional de la FGTB Charleroi Sud Hainaut, Daniel Piron, lançait, au nom du comité exécutif de la régionale FGTB, un appel à un rassemblement politique large, sur le champ politique et électoral, à la gauche du PS et d’Ecolo, dans le but de promouvoir une véritable alternative anticapitaliste. Quelques semaines plus tard, le secrétaire général de la CNE (CSC), Felipe Van Keirsbilck, s’exprimait dans le même sens. Plusieurs responsables syndicaux faisaient de même.
Le 27 avril 2013, cet appel suscitait le rassemblement, à Charleroi, de près de 400 personnes: syndicalistes, militant·e·s des mouvements sociaux, des organisations de la gauche radicale... «La vraie gauche est en marche, plus rien ne l’arrêtera», c’est sur ces mots que Daniel Piron allait conclure cette journée de débats et de lutte, appelant à élargir cette initiative en Wallonie, à Bruxelles et en Flandre. 
Conférence de presse FGTB Charleroi ce 18/09 : de gauche à droite Antonio Zonca (Métal), Carlo Briscolini (Président de la régionale)  et Daniel Piron (Secrétaire Régional)


Pour expliquer le sens et la démarche de son appel du 1er mai, la FGTB de Charleroi vient de sortir, à plusieurs milliers d’exemplaires, un petit fascicule, sous forme de huit questions et réponses,  intitulé «Indépendance syndicale et politique».

La responsabilité du mouvement syndical
«Le syndicat peut-il s’occuper de politique»? C’est la première question à laquelle la FGTB Carolo répond d’emblée: «Non seulement il le peut, mais il le doit». Et de rappeler la Déclaration de Principes de la FGTB mettant l’accent sur la défense d’un projet de société sans classes incompatible avec le capitalisme. Ce qui implique «l’abolition de ce système et son remplacement par un autre, socialiste et démocratique».
Pour la FGTB de Charleroi, «c’est au nom de notre objectif ultime d’une société sans classes que nous luttons contre le pouvoir de la minorité capitaliste et pour le pouvoir aux travailleurs et aux travailleuses. En ce sens-là, oui, nous devons nous occuper de politique».
Pour stopper la régression sociale et imposer des revendications anticapitalistes, «nous avons besoin en premier lieu d’un syndicalisme plus combatif et démocratique», souligne  la brochure de la FGTB Charleroi Sud Hainaut, qui précise en même temps que l’action syndicale ne suffit pas, qu’elle doit être prolongée par une action politique, à tous les niveaux de pouvoir: «Le syndicalisme pur, sans relais politique, n’est pas une solution».
Et là, le constat, déjà avancé dans l’appel du 1er mai 2012, est lucide et tranchant: «Ceux qui se disent nos ''amis politiques'' au parlement et au gouvernement, la social-démocratie et les Verts (…) se sont convertis aux dogmes néolibéraux de la compétitivité et de la privatisation (…). Ces partis ont collaboré et continuent à collaborer à construire l’Europe capitaliste, qui est une machine de guerre contre le monde du travail (…). Du Plan global aux mesures Di Ruppo, en passant par le pacte des générations, ils aident délibérément à faire passer la pilule de l’austérité contre la résistance syndicale». 
Les exemples de la Grèce, de la Grande-Bretagne, du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne, avancés dans la brochure syndicale, montrent que les politiques gestionnaires, pratiquées et  appuyées par les partis sociaux-démocrates, ont fait et font le jeu de la droite et de la droite extrême: «Dans ces pays, cette droite en a profité pour former des gouvernements encore plus agressifs contre les travailleurs. Dans ces conditions, la stratégie de l’aiguillon est un piège mortel, nous devons en sortir d’urgence».
La FGTB de Charleroi veut-elle créer un nouveau parti politique?
«Non, nous ne créons pas un parti, ce n’est pas notre rôle. Nous proposons que la FGTB favorise activement l’apparition d’une nouvelle force anticapitaliste sur le champ politique et électoral. Ce n’est pas la même chose».
Comme Daniel Piron l’avait déjà signalé dans l’appel du 1er mai, la brochure souligne que cette force, ce regroupement, qui pourrait à terme devenir un parti, doit avoir pour vocation de s’élargir. Si, sur Charleroi, s’est formé un comité de soutien à l’appel, avec les partis de la gauche radicale, la FGTB de Charleroi invite les membres de gauche du PS et d’Ecolo à rejoindre la dynamique qui se met en place. Elle invite également les intellectuels de gauche, les militants associatifs à se solidariser avec l’appel.

Comment faire concrètement?
Pour la FGTB Charleroi Sud Hainaut, la première chose à faire, c’est de rompre les liens privilégiés avec le PS. C’est ce qu’elle a déjà fait depuis quelque années: «Il ne s’agit pas de dénoncer le PS comme un ennemi ou de le calomnier, mais de comprendre que les liens privilégiés de la FGTB avec le PS, dans le cadre de l ’Action Commune Socialiste, nous empêchent de sortir de la stratégie de l’aiguillon qui nous enfonce dans l’impasse».
En conclusion de la journée du 27 avril à Charleroi, Daniel Piron signalait que le comité de soutien à l’appel du 1er mai était chargé d’élaborer un plan d’urgence anticapitaliste. C’est la deuxième tâche évoquée dans la brochure: «Il s’agit d’élaborer le programme anticapitaliste que nous, en tant que syndicalistes, voulons voir relayé sur le terrain politique (...). Un programme anticapitaliste est la seule alternative possible face à la situation. Nous n’avons pas la prétention, à nous seuls, de l’élaborer dans toutes ses dimensions. Nous en proposerons une  première ébauche, à compléter et enrichir avec d’autres».
Quant au nouveau relais politique, là non plus, il ne s’agit pas seulement d’un relais politique de la FGTB: «Nous voulons que se forme un nouveau relais politique du monde du travail dans son ensemble». Le fait que, du côté chrétien, la CNE s’est associée à la démarche de l’appel du 1er mai est considéré par la FGTB de Charleroi comme un fait d’une très grande importance: «Cela montre que notre stratégie, loin d’être une source de division, peut contribuer au contraire à dépasser certaines divisions historiques du monde du travail».
Cette possibilité de convergence autour d’un projet politique commun n’est pas seulement perçue comme une chance par la FGTB de Charleroi, qui l’a stimulée. Cette démarche montre à la fois la lucidité et la responsabilité assumée par cette régionale syndicale, face à tous ces «experts» et politiciens qui nous prédisent la fin du tunnel pour bientôt: «Nous devons bien voir que cette possibilité de convergence trouve son origine fondamentale dans l’extrême gravité des menaces qui pèsent sur le monde du travail. La classe dominante européenne a lancé une attaque  frontale contre nos acquis sociaux et démocratiques. Elle peut feindre de lâcher un peu du lest à un moment pour éviter une explosion sociale ou une déroute électorale des partis établis. Mais elle n’a pas d’autre voie que de continuer son œuvre de destruction sociale et écologique pour le profit d’une minorité de la population».

Sans le PS, ce sera pire?
C’est parce que ce leitmotiv va inévitablement revenir dans la campagne électorale du PS que la FGTB de Charleroi pose elle-même la question: «Mais tout cela (l’appel du 1er mai, ndlr) n’est-il pas une dangereuse utopie, alors que la droite et le patronat sont à l’offensive et que la Belgique est «au bord du gouffre», ce qui fait courir de graves dangers à la Sécurité Sociale?».
«Au contraire», répond la FGTB régionale, «croire qu’en se pliant à la logique capitaliste, faire le gros dos en attendant que ça passe, cela va nous aider, c’est être particulièrement naïf. Nous sommes le dos au mur, nous n’avons pas d’autre issue que la lutte et l’unification internationale des luttes dans la perspective d’une autre Europe (…) et aider à l’émergence et au développement de cette force politique nouvelle, anticapitaliste, à gauche du PS et d’Ecolo, pour qu’elle devienne la plus large possible. Voilà la stratégie politique que nous proposons à la place de celle de l’aiguillon. C’est le sens de l’appel que nous avons lancé le premier mai 2012».
Quant au «sauvetage de la Belgique», c’est souvent un faux prétexte pour imposer des reculs sociaux: «Après 540 jours de négociations «communautaires», la note du premier ministre Di Rupo, au nom du compromis «pour sauver la Belgique», comprenait toute une série de revendications de la N-VA, alors même que ce parti n’était finalement pas partie prenante de la majorité gouvernementale».
Pour la FGTB Charleroi Sud Hainaut, la solidarité nationale, «celle de la solidarité de classe, celle des travailleurs», est fondamentale et «toute rupture de cette solidarité nationale conduit à moins de moyens pour organiser la solidarité». Et de prendre l’exemple de la Sécurité sociale,  sachant que  dans la prochaine campagne électorale, le PS reviendra sur un autre de ses leitmotiv: «Nous sommes le dernier rempart, au gouvernement, contre la scission de la Sécurité sociale»!
C’est vrai qu’une grande menace pèse sur notre Sécurité sociale. «Sa scission serait une catastrophe pour le monde du travail», reconnaît la régionale FGTB: «il faut l’éviter, mais comment? En acceptant la poursuite du démantèlement des acquis sociaux? En soutenant la monarchie, soi-disant ''trait d’union entre les Flamands et les wallons''. Ce choix entre la peste et le choléra est celui que le gouvernement Di Rupo nous impose. Nous le refusons».
Et là, la régionale FGTB avance une revendication qui devrait être portée par le mouvement syndical sur le terrain politique: «Nous disons aux politiques: la Sécurité sociale appartient aux travailleurs et travailleuses; les cotisations patronales ne sont pas des ''charges'', mais du salaire différé et collectivisé; nous exigeons la gestion ouvrière et démocratique de la Sécurité sociale».

Et notre indépendance syndicale dans tout ça?
«Nous sommes un contre-pouvoir indépendant de tout parti politique et nous le resterons toujours, même dans une société non capitaliste». Et la FGTB carolo de préciser: «Ce qui menace l’indépendance syndicale aujourd’hui, ce n’est pas que nous nous occupions de politique, c’est la manière dont nous nous en occupons (…). Nous organisons des mobilisations contre l’austérité et, systématiquement, la stratégie de l’aiguillon nous amène à sacrifier nos revendications pour ne pas mettre en danger la politique du PS et d’Ecolo, au nom de ce ''moindre mal''. On en arrive à un point tel aujourd’hui que certains responsables syndicaux, au nom de ce ''moindre mal'', ne veulent même plus organiser la lutte contre l’austérité».
La stratégie alternative proposée par la FGTB Charleroi Sud Hainaut permet, à ses yeux, de retrouver «une vraie indépendance syndicale»: élaborer nous-mêmes, en tant que mouvement syndical, notre programme de lutte, en fonction d’une seule préoccupation: les besoins des travailleur·euse·s. En les encourageant à s’impliquer activement et démocratiquement, afin que ce programme et ces luttes soient les leurs. «Alors, au lieu que les partis nous dictent leur politique, c’est nous qui exigerons des partis qu’ils s’engagent à lutter avec nous pour ce programme».
Tout en proposant que le mouvement syndical «favorise activement l’apparition d’une nouvelle force anticapitaliste sur le champ politique et électoral, une force aussi fidèle aux intérêts du monde du travail que les forces existantes sont fidèles aux intérêts des patrons», la régionale FGTB Charleroi Sud Hainaut tient à rappeler, en tant qu’organisation syndicale, son indépendance absolue vis-à-vis de tous les partis politiques.

En soutien à la démarche de la FGTB Charleroi Sud Hainaut
Ayant compris immédiatement l’importance de l’Appel lancé le premier mai 2012 par le secrétaire régional de la FGTB Charleroi Sud Hainaut, notre organisation, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) s’est investie activement dans le comité de soutien à cet appel.
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire de notre pays que des secteurs du mouvement syndical rompent avec le Parti socialiste, mais c’est la première fois qu’un pan entier de la FGTB se prononce pour une alternative politique à la gauche du PS et Ecolo et se met à agir concrètement pour favoriser le rassemblement et la structuration d’une nouvelle force politique anticapitaliste et son développement sur  le champ politique et électoral.
La LCR a compris immédiatement l’importance de cet événement. Elle appelle la gauche anticapitaliste à prendre ses responsabilités sans esprit de boutique pour que la brèche s’élargisse au maximum.

30/08/2013

Les jeunes contrôlés dès le stage d’insertion/ « un détail de l’histoire »






Dans le premier plan d’austérité du gouvernement Di Rupo, les jeunes et les travailleurs sans emploi avaient été particulièrement ciblés : dégressivité accrue des allocations de chômage ; stage d’insertion de 12 mois pour les jeunes qui sortent de l’école avant de pouvoir toucher des allocations d’insertion ; transformation de toutes les allocations d’attente en allocations d’insertion limitées dans le temps ; contrôle sur les recherches emploi renforcé pour tous les allocataires d’insertion. Ces mesures sont déjà draconiennes puisque, selon la FGTB, la dégressivité peut faire perdre jusqu’à 200 EUROS/mois à un chômeur et que la limitation dans le temps des allocations d’insertion pourrait aboutir à 35 mille exclusions au premier janvier 2015.
Alors que la croissance est à zéro et que les jeunes qui sortent de l’école auront beaucoup de difficulutés pour avoir éventuellement la chance de mettre un « orteil » sur le marché de l’emploi sans doute dans un contrat précaire ou carrément intérimaire, le gouvernement n’hésite pas à durcir les conditions du stage d’insertion pour toutes celles et ceux qui ont terminé leurs études en juin 2013. Ces nouvelles conditions sont effectives pour les jeunes travailleurs qui ont débuté leur stage au premier août 2013.

Deux contrôles dispo pendant le stage d’insertion :
Le contrôle de la disponibilité sur le marché de l’emploi (contrôle dispo) a été introduit en juillet 2004. Depuis cette date,  pour garder leur droit, les travailleurs sans emploi en allocations de chômage doivent prouver qu’ils recherchent activement du travail sous peine de devoir signer des contrats avec l’ONEM. Si ceux-ci ne sont pas respectés, il y a perte temporaire ou définitive du droit.
Depuis quelques mois, ce contrôle dispo a été renforcé pour tous les allocataires d’insertion puisque ces derniers sont contrôlés maintenant de six mois en six mois avec risque de perdre directement (sans passer par un contrat) leur droit pendant six mois. S’ils ne demandent pas eux-mêmes un nouveau contrôle au bout de ces six mois de sanction, ils ne récupèrent pas leurs allocations.
Alors que le jeune en stage d’insertion doit déjà respecter les conditions fixées par le service public régional de l’emploi (FOREM-ACTIRIS-VDAB) sous peine de sanctions sur ses futures allocations, le gouvernement introduit au septième mois du stage et au onzième mois, un contrôle dispo de l’ONEM (donc deux au minimum) qu’il devra absolument « réussir » s’il veut pouvoir accéder aux allocations d’insertion. Si l’un des deux contrôles est raté, l’accès aux allocations est retardé jusqu’au moment où deux évaluations seront réussies. Autrement dit, il faudra absolument obtenir deux évaluations positives  à l’ONEM avant de pouvoir percevoir ces fameuses allocations d’insertion.

Contrôlés avant même d’être syndiqués :
La plupart des jeunes se syndiquent au bout du stage, quand ils perçoivent leurs premières allocations. Il faut donc craindre que beaucoup d’entre eux subissent ces contrôles dispo de l’ONEM pendant le stage sans être préparés et défendus par des accompagnateurs syndicaux. Il parait que l’ONEM « informera les jeunes qu’ils peuvent se syndiquer » dans un courrier. Les organisations syndicales prévoient des initiatives particulières pour les contacter directement, notamment à partir de différentes sensibilisations, mais dans un premier temps, elles partent avec un handicap évident par rapport aux institutions chargées d’activer les « stagiaires d’insertion ». A travers toutes les mesures prises depuis 2004 sur l’accompagnement et le suivi des sans emploi, la volonté politique de mettre sur la touche les organisations syndicales paraît évidente. Tout est fait pour que l’ONEM et le FOREM puissent activer les jeunes et les travailleurs sans emploi avec le moins d’opposition possible et de la façon la plus directe.

Du fatalisme dans les rangs des directions syndicales ?
Le 30 janvier 2012, les travailleurs étaient en grève générale répondant ainsi à l’appel de leurs organisations syndicales. L’objet de cette grève était de s’opposer au premier plan d’austérité du gouvernement Di Rupo. Dans ce plan se trouvaient notamment l’instauration du stage d’insertion de 12 mois, la limitation dans le temps des allocations d’insertion, le durcissement du contrôle dispo pour tous les allocataires d’insertion et la dégressivité accrue des allocations de chômage. On y parlait déjà d’évaluations à réussir obligatoirement pour les jeunes en stage d’insertion. Tout avait été décidé sans concertation et la volonté du gouvernement était d’imposer toutes ces mesures en passant au-dessus de la tête des syndicats. Alors que ceux-ci avaient dénoncé cette politique du fait accompli, ils ont quand même négocié les modalités d’application de toutes ces mesures prises à l’encontre des jeunes et des travailleurs sans emploi. Incompréhensible quand on sait les dégâts sociaux que vont occasionner notamment la dégressivité des allocations de chômage et la limitation dans le temps des allocations d’insertion. Pas étonnant qu’aujourd’hui, ces mêmes dirigeants syndicaux n’aient pas la volonté de s’opposer à la mise en place de contrôles sur la disponibilité dès le stage d’insertion. Les directions syndicales seraient-elles persuadées que l’état social actif est une évolution inéluctable contre laquelle il n’y aurait rien d’autre à faire que de négocier des petits aménagements à la marge ?

Les allocations de chômage doivent retrouver leur caractère assurantiel ! 
Il faut se battre résolument pour le retour à une Sécurité Sociale qui soit une barrière contre l’appauvrissement. Pour que les jeunes puissent s’insérer dans le monde du travail, faire des projets positifs pour leur avenir, il faudrait d’abord créer des emplois de qualité. Cette volonté n’existe pas de la part des pouvoirs économiques, financiers et politiques. Leur projet, c’est affaiblir le droit aux allocations de chômage pour forcer les jeunes et tous les travailleurs à accepter de travailler dans des CDD, du temps partiel ou du travail intérimaire. Les patrons veulent une main d’œuvre flexible, la moins chère possible et la plus facile à virer en situation de soi disant « mauvaise conjoncture ». Le gouvernement modifie la législation sociale pour que tous les travailleurs, y compris les plus jeunes, soient obligés de se plier à cette précarisation du marché de l’emploi. Le rôle des organisations syndicales n’est pas d’organiser des mobilisations pour seulement obtenir des petites améliorations à la marge en collant ainsi à la stratégie des amis politiques socialistes, démocrates chrétiens ou écologistes. Au contraire, en toute indépendance, leur rôle doit être de lutter sans concession pour que les allocations de chômage retrouvent leur caractère assurantiel.

Refusons le cadre fixé par le gouvernement. Imposons le retour à une véritable protection sociale !
Il faut revendiquer carrément des retours en arrière comme :
-    la suppression des contrôles sur la disponibilité, la suppression des concepts de stage d’insertion et d’allocations d’insertion et le retour à des allocations de chômage d’attente non limitées dans le temps
-        le retour à un accompagnement des travailleurs sans emploi sur base volontaire et sans sanction,
-        la suppression de toute forme de contractualisation du droit aux allocations de chômage à l’ONEM et au service public régional de l’emploi (ACTIRIS-FOREM-VDAB)  
-        le retrait du caractère systématique des transmissions du service public régional de l’emploi vers l’ONEM (transmissions qui ont provoqué une forte augmentation des sanctions depuis 2004 et cela particulièrement en Wallonie)

Evidemment, cette lutte résolue doit aussi globalement revendiquer le retrait de toutes les autres mesures qui depuis 2012-2013 :
-        activent les prépensionnés victimes de licenciements collectifs
-      modifient la notion d’emploi convenable et obligent les TSE à répondre à une offre même si celle-ci se trouve à 60 kms du domicile
-        obligent les TSE à accepter un travail dit convenable jusqu’à l’âge de 60 ans
-        imposent aux TSE de plus de 50 ans à se présenter au contrôle de l’ONEM sur les recherches emploi
-      obligent le travailleur à temps partiel avec « complément chômage » à subir le contrôle sur la disponibilité organisé par l’ONEM
-        obligent les travailleurs en incapacité d’au moins 33% à subir le contrôle sur la disponibilité

Assez de cette pseudo concertation sociale/assez de se faire avoir
Oui, on s’est bien fait avoir par cette pseudo concertation sociale qui a en fait contribué à l’aggravation du démantèlement du droit aux allocations de chômage et à la suppression des pré pensions devenues chômage avec complément de l’employeur. La grève générale du 30 janvier 2012 et ses prolongements nous laissent un goût amer. Il faut repasser à l’offensive pour imposer des alternatives qui garantissent à l’ensemble de la population des droits sociaux et économiques fondamentaux de qualité.  Pour cela, une répartition équitable des richesses est nécessaire. Mais, cet objectif de redistribution au profit de la collectivité ne se réalisera pas sans mettre en cause la stratégie de lutte des directions syndicales, trop calquées sur celle des partis soi disant « progressistes » qui occupent le pouvoir. Pour ne plus se faire avoir, il faut d’une part établir une réelle indépendance syndicale et d’autre part, s’investir en tant que militants dans la création d’un nouveau parti de gauche capable d’être le relais politique de nos luttes et de porter des revendications qui mettent en cause le système capitaliste.

Freddy Bouchez (militant syndical)
Sympathisant de l’appel du premier mai 2012 de la FGTB/Charleroi.

08/07/2013

Il faut sauver le soldat Di Rupo



Elio, que faire ?
C’est le 21 avril, lors de son Congrès tenu à l’ULB, que le PS a lancé sa grande opération de réflexion baptisée « Citoyens engagés ». « L’opération se décline en 25 thématiques et plus de 120 questions. Au total, près de deux cents personnes venant de tous horizons ont d’ores et déjà contribuées déjà à cette réflexion. Pour chaque question, le PS a en effet demandé à des personnes ressources de rédiger un texte d’une dizaine de pages » précise le site du PS (fautes comprises).
Parmi ces contributions, une a particulièrement retenu notre attention : un texte attribué à Anne Demelenne, la Secrétaire Générale de la FGTB, « L'Action Commune en 2013 : Pourquoi et Comment ? » [1]. Au moment où la politique du PS est de plus en plus contestée par des syndicalistes, la démarche n’est pas innocente…
Un laborieux rappel historique sur le (non)fonctionnement de l’Action Commune Socialiste, une logique d’appareil politique qui cherche à justifier tous les compromis et compromissions, pratiquement aucune références syndicales : tout dans ce texte sonne faux, on n’y sent pas une logique syndicale, même pas celle qui est utilisée d’ordinaire par la bureaucratie syndicale social-démocrate…
La première impression c’est : « Anne Demelenne a-t-elle vraiment écrit ce texte ?»

Des raccourcis historiques…
Relevons d’abord cette erreur grossière de l’auteure : elle situe la guerre civile espagnole dans les années cinquante… (p.2) « Dans les années 50, son implication dans le cadre de la Guerre civile espagnole est importante et témoigne d’une grande solidarité » le texte semble maladroitement repris, sans aucune vérification, du site de l’Institut Liégeois d’Histoire Sociale[2]
Le document fait l’impasse sur les 60 premières années du mouvement ouvrier organisé, et notamment sur les relations entre Parti et Syndicat. Selon Pascal Delwit « Jusqu’en 1945, le syndicat socialiste – la Commission syndicale créée en 1898 puis la Confédération générale du travail, CGTB – était organiquement lié au parti » [3]. L’Action Commune n’existait pas encore, c'était le POB qui contrôlait tout, POB qui a été dissous par son président (De Man) qui s'est rallié à l'Ordre nouveau. « A la libération, ce lien constitué est officiellement défait, contre la volonté d’une partie des membres et des cadres du parti. La FGTB devient autonome »[4].
Les conquêtes sociales du mouvement ouvrier semblent tombées du ciel. Le texte ne voit que l’action linéaire d’un « pilier socialiste qui s’est établi dans la société belge depuis la création du Parti Ouvrier de Belgique en 1885 ». Pas un mot des nombreuses et longues luttes qui ont été nécessaires pour les arracher : « …l’affiliation au Parti entraînait ipso facto l’affiliation aux autres éléments du mouvement socialiste. C’est grâce à cette action globale qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Parti socialiste et ses différents éléments ont obtenu la création d’un Etat social fort qui ancre aujourd’hui encore la Sécurité sociale et la concertation sociale au cœur même de notre modèle social. » (p.1) Anne Demelenne oublie d’expliquer la réalité de cette époque : au sortir de la guerre les classes dominantes ont peur du mouvement syndical sorti de la Résistance, elles ont peur d’une vague révolutionnaire en Europe et font donc des concessions sur la Sécurité Sociale. A ce moment l’Action Commune Socialiste n’est pas encore constituée, c’est donc un fameux raccourci de lui attribuer la conquête de la Sécurité Sociale !
Les seuls moments où l’on évoque les luttes c’est quand elles gênent le PS, le texte préfère d’ailleurs utiliser d’autres mots : on parle de « dissensions », de « tensions perceptibles» entre le PS et la FGTB (grève des métallurgistes de1957, grèves tournantes entre 1977 et 1981, grèves et manifestations contre le Plan Global (1993-1994), grèves et manifestations contre le « Pacte des générations » (2005).

… au grand écart dans la situation d’aujourd’hui
Le document pose la question « Peut-on toutefois dire que le dialogue et la collaboration entre les différentes parties sont idéales ? » et répond aussitôt : « Ce constat semble peu approprié en particulier lorsqu’on prend en compte certaines tensions présentes entre le parti et la FGTB. Ces tensions sont toutefois relativement inévitables. En particulier lorsque le PS participe à une majorité gouvernementale et doit prendre part à l’adoption de décisions qui sont le fruit d’un consensus ou plutôt d’un compromis. » (p.4) Anne Demelenne semble ne pas se rappeler que depuis mai 1988 le PS est au pouvoir et que, Action Commune ou pas, la situation des travailleurs, des pensionnés et des chômeurs n’a pas cessé de se détériorer, en particulier en raison de mesures prises par des ministres socialistes.
Voilà la clef du problème : partage des tâches oblige, la direction syndicale a le droit, au mieux, d’émettre des critiques, mêmes si elles provoquent une certaine « tension », mais le PS lui, « doit prendre part à l’adoption de décisions ». Anne Demelenne lui trouve même des « circonstances atténuantes » : « Face aux autres membres de la majorité, le PS est assez isolé (…) il ne peut endiguer totalement les revendications outrancières des autres partis (transferts de compétences, dégressivité des allocations de chômage, réforme des fins de carrière, flexibilité, …) » (p.4)

Ils ont fondé tellement d’espoir dans le fait d’avoir un Premier Ministre socialiste

Elio, que faire ?
La conclusion d’Anne Demelenne laisse perplexe : « Un travail de reconstruction est à faire par rapport à la confiance perdue chez certains militants de la FGTB. Ils ont fondé tellement d’espoir dans le fait d’avoir un Premier Ministre socialiste, que la déception est d’autant plus grande au regard de l’orientation de certaines décisions prises. Il ne faut pas nier cette vérité, même si elle est difficile à dire. » Anne Demelenne considère donc que sa tâche consiste à reconstruire la confiance perdue dans le PS ? De fait, elle n’hésite pas à se lancer à l’eau pour « sauver » le parti et le chef : « Cela n’enlève rien au courage d’Elio qui, dans une période de crise sociale et politique profonde, doit garder la maison du peuple au milieu du village tout en respectant ses engagements socialistes. » (p.5) Oubliée la petite phrase du leader-maximo aux militants de la CGSP en janvier 2012 : « Vous conduisez les citoyens vers l'abîme ». Oubliée la déclaration de Paul Magnette, le président du PS qui juge les syndicats malhonnêtes d'affirmer que le gouvernement "bidouille" l'index. On comprend mieux pourquoi Anne Demelenne a été applaudie au Congrès du PS …
Quelques jours après avoir bouclé son texte elle répondait aux questions de « Vers l’Avenir »[5]
« Vous avez été la personnalité la plus applaudie au congrès. Vous rendez au PS une caution de gauche, non ? Ceux qui me connaissent savent que je n’ai pas l’habitude de me faire instrumentaliser. Mais j’assume mes opinions. Par ailleurs, c’est la base militante qui m’a applaudie. »
Dans la même interview elle précise sa conception de l’indépendance syndicale : « Tout n’est pas blanc ou noir. L’action politique est importante. Le poujadisme serait la pire des choses. Et l’action syndicale est indépendante. Il n’y a, dans notre chef, ni allégeance ni compromission ». Pourtant elle n’hésite pas dans son texte à offrir les affiliés de la FGTB sur un plateau au PS : « si le syndicat n’est plus, comme jusqu’au milieu du XXème siècle, le bras armé du parti, il ne faut pas non plus accepter un éloignement trop important des deux parties et laisser un fossé insurmontable s’installer entre eux. Malgré le traditionnel « eux, c’est eux et nous, c’est nous », nous restons véritablement des acteurs et l’idéal serait, des alliés objectifs (…) C’est une opportunité pour le PS car nous gardons une certaine légitimité, au regard du nombre de nos affiliés qui est chaque année croissant…. » (p.5) Que l’alliance avec la FGTB soit opportune pour le PS, car elle lui permet de profiter de la légitimité syndicale, c’est évident. Mais où diable se niche l’opportunité de cette alliance pour les travailleurs ?

Un pont trop loin
Ces derniers extraits nous ramènent à nos interrogations initiales : ce texte semble sorti d’une plume distante, un copié/collé dont on n’a pas biffé toutes les références d’origine. On dirait que c’est le politique qui pose les questions auxquelles il s’empresse de répondre en imitant la syndicaliste.
Nous en étions là à nous poser ces questions lorsque nous avons eu l’idée de vérifier les propriétés du fichier PDF de la brochure.
Oh ! Surprise ! Le système nous indique que l’auteur du texte serait Gilles Doutrelepont. Un petit détour par Google, et la boucle est bouclée. Gilles Doutrelepont est actuellement directeur-adjoint de l’Institut Emile Vandervelde, le Centre d'études du PS. Habitué des Cabinets, en 2007 il fut aussi désigné par Elio Di Rupo comme « Délégué à la rénovation du parti ». A l’époque le site du PS écrivait à propos de cette noble tâche : « Le Délégué Général à la Rénovation doit plutôt être vu comme un animateur tout terrain. Il est au service des membres et plus généralement des personnes qui partagent les valeurs du PS. Il est chargé d’aider à redonner de la vie partout dans le Parti. Dans ce sens, il soutient auprès des fédérations et des sections et USC toutes les initiatives qui visent à remettre le débat au centre du PS. »
Serait-ce donc lui l’auteur du texte signé Anne Demelenne ?
« Il est au service des membres et plus généralement des personnes qui partagent les valeurs du PS »… pour écrire des brochures aussi ? Si c’est l’explication, cela veut dire que c’est le Boulevard de l’Empereur qui dicte sa loi à la rue Haute. Que le statut d’ « observatrice » d’Anne Demelenne au Bureau du PS ne vise qu’à donner une fausse image d’indépendance syndicale. Et que les militants et les instances de la FGTB sont manipulés et sacrifiés pour les intérêts du PS. L’entourloupe de la négociation d’un compromis sur le statut ouvrier/employé (aussitôt adopté par un Conseil de Ministres restreint) sans passer par une instance significative de l’organisation en apporte une nouvelle illustration.

Sœur Anne…
Nous posons la question à Anne Demelenne. Si elle prend la peine de nous répondre, elle dira quoi ? « Non, c’est au sein de la FGTB que je me suis fait aider» ? Ou « j’endosse la responsabilité totale de ce texte ».
Rien n’y change. On sent la patte du PS qui prépare des élections cruciales avec autant de sérieux qu’il met à préparer ses plans d’austérité au gouvernement et autant d’agressivité contre les syndicalistes qui les combattent. Et tout autant de soin à cajoler des directions syndicales qui lui sont soumises.
Nous posons aussi la question à tous les syndicalistes qu’ils aient ou pas « fondé tellement d’espoir dans le fait d’avoir un Premier Ministre socialiste » : croyez-vous que c’est en léchant les bottes du Premier Ministre qu’on va stopper sa politique de rigueur ? Pensez-vous qu’il est « utile » de sacrifier l’indépendance syndicale, gage de votre liberté d’action, pour sauver un parti qui s’est fourvoyé dans la gestion du capitalisme ?

La Commission Syndicale de la LCR 

[1]  http://www.citoyensengages.be/getattachment/49e65bc3-a8d8-4d68-984f-e4f8f05012fc/L%E2%80%99Action-commune-en-2013%C2%A0-pourquoi-et-comment.aspx
[2] http://ilhs.e-monsite.com/pages/articles/action-commune-apercu-historique-d-une-solidarite-socialiste-a-travers-ses-dates-cles.html#page3
[3]  http://dev.ulb.ac.be/sciencespo/dossiers_membres/delwit-pascal/fichiers/delwit-pascal-publication177.pdf
[4] idem
[5]  http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130429_00303623