Par Denis Horman
Le 15 juin 2012, à l’initiative de la Formation Léon Lesoil,
l’asbl culturelle de la LCR, c’est dans
une salle bien remplie de la FGTB de Liège que Daniel Piron, secrétaire
régional de la FGTB de Charleroi-Sud Hainaut, est venu expliquer, devant une
centaine de participant/e/s, le sens et les objectifs de l’Appel qu’il a lancé,
le premier mai dernier à Charleroi, au nom de l’ensemble des centrales de la
régionale FGTB. A la même tribune, Nico Cué, secrétaire général des Métallos
FGTB Wallonie-Bruxelles, allait appuyer et conforter cet Appel.
Dans la salle, les secrétaires des régionales de la
FGTB de Verviers et Namur, des
délégué/es syndicaux, des militant/e/s des organisations de la gauche
radicale -LCR, PTB, PC, PSL-, du
Mouvement de Gauche également, des mouvements sociaux ou encore des personnes
qui aspirent à la mise en œuvre d’une véritable alternative anticapitaliste, au
rassemblement des forces de gauches pour la mettre en œuvre.
Appel à un rassemblement politique
à gauche du parti socialiste et d’Ecolo
« Il faut le dire clairement, signale d’emblée
Daniel Piron, le Parti socialiste ne représente plus pour nous aujourd’hui le
relai naturel de la FGTB ». Et d’évoquer, ces 20 dernières années, avec le
retour des socialistes au gouvernement, la réforme de l’enseignement durement
payée par les enseignants, le plan global, le pacte des générations, le
contrôle de la disponibilité des chômeurs, et, pour couronner le tout, les
décisions budgétaires 2012 du gouvernement Di Rupo 1er, « ce
plan d’austérité et de régression sociale le plus dur qu’on ait connu, avec ce
bain de sang social surtout pour les chômeurs ». « Après la grève
générale de fin janvier 2012, continue le secrétaire régional de la FGTB de
Charleroi, nous avons tenu une assemblée des militants syndicaux. Nombre de
ceux-ci, en proximité avec le PS, ont dit « le PS nous a trahis ».
Daniel Piron a précisé le sens de l’appel du 1er
mai : appel à un rassemblement
politique à gauche du PS et d’Ecolo. « Ce que nous voulons, ce n’est pas pousser à la création d’un parti de plus à
gauche, mais de fédérer à la gauche du
PS et Ecolo. Il y a là des forces vives, actives, militantes et anticapitalistes
porteuses d’espoir pour le monde du travail ». Appel sans exclusives : « la FGTB de Charleroi a
rencontré d’abord la section du Hainaut de la LCR, suite à la lettre ouverte,
adressée aux syndicalistes par la Ligue Communiste révolutionnaire. Nous sommes
en contact également avec le PTB, le PC, PSL ; et puis, on peut aussi
rallier des militant/e/s de la gauche
chrétienne, également du PS, d’Ecolo, déçus, sans pour autant faire un
rassemblement des déçus ». Appel
à un rassemblement sur la base d’un programme
anticapitaliste : « C’est en toute indépendance syndicale –car le
syndicat n’a pas vocation d’être un parti-, mais sur la base d’un programme
syndical anticapitaliste, déjà présent, pour une bonne part, dans les congrès
de la FGTB wallonne, que nous allons continuer à interpeller les organisations
et les militants de la gauche de gauche ». Un appel à concrétiser, mais pas de manière précipitée :
« il faut prendre le temps de dialoguer avec l’ensemble des forces de
gauche, ce que nous ferons après les élections communales. Mais, l’urgence est
là également. Attention à l’extrême-droite ! ».
Nico Cué enchaîne sur le constat fait par Daniel
Piron : « le PS est au pouvoir depuis 25 ans. Après le plan global,
la norme salariale en 1996, le Pacte des générations, soi-disant pour garantir
l’avenir des plus jeunes, nous voici maintenant avec un plan d’austérité, de
régression sociale du gouvernement Di Rupo, un programme du MR au
carré ! ». Et de souligner, lui aussi, les violentes attaques contre
les chômeurs : « Plus de 100 000 personnes vont voir, dans les deux
prochaines années, leurs indemnités de chômage diminuer de manière
drastique ; 30 000 jeunes vont perdre leurs indemnités de chômage. Est-ce
que la situation économique justifie de telles mesures ?
Non ! ». « A la FGTB Métallos Wallonie-Bruxelles, continue son
secrétaire général, on considère que nous sommes dans un changement de régime.
C’est le président de la Banque centrale européenne lui-même, Mario Draghi, qui
le dit en proclamant que le modèle social européen est mort. Un « modèle » établi après la 2ème
guerre mondiale entre patronat, syndicats et gouvernements, impliquant une
répartition plus ou moins équilibré des fruits de la croissance, de la
production des richesses. C’en est fini : le grand capital et la dictature
des marchés en ont décidé autrement ».
Nico Cué souligne également un
autre aspect de ce changement de régime : « Est-on encore en
démocratie ? L’Europe, la commission européenne, le Conseil européen sont
en train d’imposer, avec la fameuse « règle d’or », des mesures
d’austérité à l’ensemble des pays, sans que les parlements nationaux,
démocratiquement élus, aient leur mot à dire ».
« On a un énorme besoin d’une alternative politique à
gauche, une vraie alternative anticapitaliste », souligne notre
syndicaliste. Et de lancer un appel : « Il est temps qu’on prenne
bien conscience qu’il faut se rassembler à la gauche du PS. Il est grand temps
que les organisations de la gauche de gauche arrêtent de se diviser, de penser
dans sa chapelle, d’avoir raison contre les autres ».
Le PS en a pris pour son grade ! « La politique
social-démocrate a viré au social-libéralisme », constate un ancien
secrétaire régional de la FGTB ; le relai politique du PS, « sans nous
ce serait pire, ce serait le bain de sang social », a servi à faire passer
des mesures de plus en plus antisociales ». Un délégué syndical parle du
« pire plan d’austérité de l’après-guerre » et y va d’une réflexion
quelque peu truculente : « Les cadres du MR n’ont plus besoin de
viagra, parce qu’ils bandent tous les jours ». Un autre délégué pose la
question aux deux orateurs: « l’appel au rassemblement politique de
gauche a-t-il pour fonction d’être un aiguillon du PS ? Celui-ci peut-il
encore se replacer dans la défense
inconditionnelle des travailleurs ? ».
« Nous sommes bien dans un basculement du monde »,
constate un autre intervenant. Au-delà des mesures d’austérité, c’est la
destruction de tous les acquis du mouvement ouvrier depuis la 2ème
guerre mondiale dont il s’agit ». Et d’ajouter : « comme le
souligne la lettre ouverte de la LCR aux syndicalistes, ce gouvernement, comme
les autres en Europe, veut casser la résistance du mouvement syndical, pousser
les syndicats dans le coin pour lancer demain des attaques encore plus grandes.
Il y a, dans plusieurs pays, de grande mobilisations sociales, des grèves
générales, mais elles butent contre le mur du pouvoir en place. Le verrou est
politique ».
Une grande partie du débat porte précisément sur le sens,
la concrétisation de l’Appel à un rassemblement politique des forces à la
gauche du PS et Ecolo, son caractère anticapitaliste, sa résonnance actuelle
dans le mouvement syndical, les initiatives en cours et à poursuivre.
Attention à la précipitation, mais aussi à la lenteur,
car il y a des opportunités à savoir saisir ! Attention à l’électoralisme,
d’où l’importance d’articuler le débouché politique avec les luttes sociales.
Une autre réflexion largement partagées par plusieurs
interventions : « Ce qui est fondamentalement différent de ce qu’on a
connu jusqu’à présent, c’est que cet appel vient du mouvement syndical
lui-même et qu’il place les
organisations de la gauche anticapitaliste devant leurs responsabilités. Cette
responsabilité pourrait par exemple se concrétiser, à l’initiative des porteurs de l’Appel syndical, en des
actions, des mobilisations unitaires sur les principales attaques actuelles du
gouvernement et du patronat, la suppression et la dégressivité des allocations
de chômage, les prochaines mesures budgétaires, par exemple ».
Quelques éléments de
clarification
Daniel Piron et Nico Cué, sur la même longueur d’onde,
allaient, en conclusion, apporter quelques éléments de réponse aux questions et
aux nombreuses interventions.
« Un sursaut à l’intérieur du PS, on aimerait bien,
mais nous n’y croyons pas. Le rassemblement auquel nous voulons travailler, en
toute indépendance syndicale,
c’est bien pour nous la construction d’une force
politique de gauche anticapitaliste, crédible, unitaire pour concrétiser une
véritable alternative, pas seulement sur la plan électoral, mais pour agir et
peser sur le terrain, dans la lutte de
classe, une lutte qui va être de plus en plus dure ».
« Il faut se dépêcher lentement », souligne
Nico Cué. « Il faut s’accorder sur le rythme, car nous sommes dans un
tournant historique. Si on ne saisit pas ce moment, je ne donne pas cher pour
que, dans les 5 années qui viennent, on ne se retrouve en prison pour des faits
de grèves, pour des actions syndicales un peu musclées. Voyez Mme Milquet,
notre ministre de l’Intérieur, qui, après les incidents de Molenbeek, fait le
forcing pour interdire les organisations radicales ». Et d’insister à
nouveau sur la responsabilité des organisations de la gauche radicale.
« Ca commence à bouger au sein de la FGTB »,
soulignent nos deux syndicalistes. Au-delà de la FGTB de Charleroi, l’Exécutif
des Métallos FGTB est dans cette démarche ; la Centrale Générale lance le
débat et à la FGTB wallonne, on en discute également. Mais, pour nos deux
syndicalistes, l’important aujourd’hui, « c’est de mener un débat en
profondeur en interne, dans les structures syndicales, jusque dans les
entreprises ».
« L’histoire nous donnera raison », conclut
Daniel Piron. « Un plan de relance comme nous le voulons, ça ne se fera
pas. Le gouvernement a décidé d’aller trouver encore quelque 15 milliards
d’euros, d’ici 2015, pour combler le déficit budgétaire. Cela va encore donner
une plus grande résonnance à notre Appel.
En attendant, on ne se croise pas les bras. Nos orateurs ont annoncé la
préparation de mobilisations syndicales pour la mi-septembre.
A nous d’être à leurs côtés !