La manière dont se sont déroulées et conclues les 25
dernières heures de négociation sur les statuts ouvriers/employés ne laisse
aucun doute sur la volonté du gouvernement de pousser les directions syndicales
à faire l’impasse sur la consultation de leurs militants sur la base d’une
évaluation sérieuse du contenu de ce fameux compromis. Le texte signé par la Ministre de l’Emploi Monica De Coninck a été présenté et approuvé immédiatement par
un Conseil des Ministres restreint. Il peut donc entrer en application
avant la date butoir du 8 juillet. « Vendredi,
les partenaires sociaux ont accepté un texte rédigé de la plume de la ministre
de l’Emploi. Subtilité : ils ne l’ont pas signé, pour n’avoir pas à le faire
avaliser par leur base, avec les risques que cela engendrerait » indiquait Le
Soir ce samedi.
A l’intérieur de
la FGTB, certaines dispositions étaient pourtant prises au cours de la semaine
dernière qui auraient pu laisser croire que l’organisation syndicale se
préparait à des actions devant les tribunaux n’espérant plus (ou ne souhaitant
pas ?) un compromis boiteux.
Dans l’ombre d’une
intense campagne médiatique autour des tribulations du palais royal, le sort de
millions de travailleurs a donc été scellé en douce. Et les instances prévues
cette semaine (Bureau Fédéral à la FGTB ce mardi 9/07) sont donc de pure forme.
En début de carrière : plus vite
dehors !
Pendant les deux premières années de carrière, le préavis
sera de 1 semaine par trimestre, avec un minimum de 2 semaines (14 jours).
Alors qu'auparavant le préavis minimum des ouvriers était de 4 semaines (28
jours) et de 13 semaines pour les employés. Voilà qui va réjouir les patrons
qui souhaitent une plus grande liberté pour engager et… dégager. Aujourd’hui
dans les entreprises, il y a une grande rotation. Peu de travailleurs bouclent
leur carrière dans la même entreprise. Partout on vante cette mobilité
professionnelle. C’est donc une mesure qui, à l’avenir, va représenter un recul
important pour un grand nombre de travailleurs. Couplée au recours à l’intérim
et au Contrats à Durée Déterminée elle va accroître considérablement la
précarité des contrats. Et devinez qui sera encore particulièrement frappé par
ces mesures : les jeunes et les femmes évidemment, dont les contrats sont
souvent des contrats précaires !
Certes les ouvriers verront leurs préavis évoluer
positivement après 6 mois d’ancienneté (soit 1,4 millions de travailleurs
actuels) mais à l’opposé, 2 millions d’employés verront leur préavis réduits
drastiquement. Notamment pour deux tiers d’entre eux pour qui le calcul (plus
favorable) de la fameuse Grille Claeys était d’application en raison du
dépassement d’un plafond de revenus. Dans « l’accord » la grille
Claeys est abandonnée. En outre les patrons obtiennent quelques avantages
supplémentaires (les compléments sectoriels venant s’ajouter aux allocations de
chômage seront déduits du délai ou de l’indemnité de préavis. Idem pour
l'outplacement). Autrement dit, les travailleurs*ses devront eux-mêmes supporter
une partie du coût de leur licenciement !
Ici aussi il faut bien réfléchir que la tertiarisation de
l’économie et l’évolution des professions conduit de plus en plus à engager des
appointés. La grande masse des travailleurs de demain seront donc moins bien
protégés contre les licenciements. Anne Demelenne, secrétaire générale de la
FGTB estime quant à elle « qu’il maintient un niveau de protection
suffisant pour ces derniers, sans étrangler les entreprises ni mettre en danger
les finances de l’Etat ». Un « bon compromis », quoi.
Nous ne pouvons bien sûr pas nous laisser berner par ces
discours béats d'un prétendu accord « où tout le monde gagne ». Dans
cette affaire où l'ensemble des salarié*es avaient beaucoup à gagner, cette
possibilité s'est retrouvée habilement détournée en dernière minute dans le
secret des bureaux feutrés du ministère. Mais puisque cette décision a été
prise sans respecter l'autonomie et la démocratie syndicales et qu'il reste
encore plusieurs dossiers à régler (période d'essai, pécule de vacances, motif
de licenciement), ce n'est pas encore fini. Peu importe que le gouvernement
passe en force, il faut espérer que les instances syndicales refusent cette
compromission. Et qu'elles préparent la nécessaire bataille commune pour l'harmonisation
vers le haut des statuts et contre le blocage des salaires. Un texte approuvé
de manière autoritaire par le pouvoir politique peut être retiré si la pression
de la rue est assez forte, comme ce fut le cas dans la lutte victorieuse contre
le CPE en France en 2006 ou l'an dernier encore, celle des jeunes québecois*es
contre la hausse des frais de scolarité. Les organisations syndicales et les
travailleurs*ses ont donc tout à gagner à ne pas se laisser faire.
paru sur La Gauche
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