Depuis 2004, l’accompagnement et le contrôle des travailleurs sans-emploi ont subi de profondes modifications. Présentée par les gouvernements successifs comme une façon d’aider les travailleurs sans emploi à mieux retrouver un travail, tout au contraire, cette politique d’activation des allocations de chômage fait peser sur eux la menace constante de suspensions ou d’exclusions. Ces changements répondent à deux impératifs : d’une part, faire rembourser par les personnes les plus fragilisées une dette dont elles ne sont pas responsables, puisque provoquée par les banques, les financiers spéculateurs et des actionnaires peu scrupuleux. D’autre part, faire pression sur les travailleurs sans emploi pour qu’ils acceptent n’importe quel boulot dans n’importe quelle condition et ainsi donner entière satisfaction au patronat qui veut un marché flexible du travail avec la main d’œuvre la moins chère possible (CDD, temps partiel, emplois intérimaires à la journée ou à la semaine pendant plusieurs années,…).
Les réformes sur
le droit aux allocations de chômage et la précarisation du marché de l’emploi
exercent une pression sur les conditions de travail et de salaire de tous. Le
contrôle de la disponibilité des chômeurs organisé par l’ONEM, la transmission
systématique des infos du FOREM vers l’ONEM provoquent déjà des dégâts sociaux
importants depuis 2004. Les toutes dernières mesures prises par le gouvernement
Di Rupo en matière d’allocations de chômage, directement liées au plan
d’austérité inspiré par le pacte budgétaire européen, vont provoquer un
véritable bain de sang social !
A la sortie
de l’école, stage d’attente plus long et ensuite, allocations plus
contrôlées !
A la sortie de
l’école, le stage d’attente devient stage d’insertion et est allongé de trois
mois. Il dure donc maintenant 12 mois au lieu de 9. Pendant cette période, il
faudra faire la preuve d’une recherche active de travail et ne pas refuser une
proposition de formation du service public régional de l’emploi. Le jeune sera
convoqué tous les quatre mois dès le premier mois. Si ses efforts sont jugés
insuffisants, il n’aura pas droit aux allocations. Avant le premier janvier
2012, les allocations auxquelles on pouvait prétendre après l’école
s’appelaient allocations d’attente. Depuis le début de l’année, il s’agit
d’allocations d’insertion. Une fois que le jeune y aura droit, il continuera
d’être contrôlé et en cas d’évaluation négative, son allocation sera
supprimée pendant six mois. En attendant les accords de coopération, le gouvernement
fédéral fixerait dans un arrêté royal les procédures et les critères de
contrôle des jeunes « allocataires d’insertion »
Au sortir de
l’école, avant même d’avoir touché des allocations de chômage et souvent d’être
syndiqués, les jeunes risquent déjà d’écoper de sanctions. S’ils atteignent les
allocations d’insertion, pendant la durée de celles-ci, ils devront faire face
à de multiples contrôles sous peine, au minimum, d’être suspendus durant de
nombreux mois. Le contexte répressif augmente par rapport à eux comme s’ils
étaient responsables du manque d’emploi ou du fait que les employeurs
n’engagent pas sans exiger plusieurs années d’expérience, même quand se
présentent à eux, de jeunes diplômés dans les métiers en pénurie. Dès le début
du stage d’insertion, ils vivront avec ce couperet au-dessus de la tête alors
que tout le monde sait que ceux qui intégreront le marché du travail, ne
trouveront dans un premier temps que des emplois précaires, c’est-à-dire des
CDD ou des contrats intérimaires ! Avec le volet emploi du plan de relance
économique du gouvernement fédéral (qui devrait être finalisé d’ici fin juillet
2012) il se pourrait même que le seul accès au marché du travail se fasse dans
un premier temps par le biais d’un stage en entreprise !
Les allocations
d’insertion sont limitées dans le temps !
Depuis
l’avènement du contrôle de la disponibilité des chômeurs en 2004, le PS et le
CDH nous disaient que ce système constituait une protection contre la
limitation des allocations de chômage dans le temps. Pour notre part, nous
n’avons jamais cessé de démontrer qu’il était au contraire une porte grande
ouverte vers cette limitation. Et nous y voici effectivement puisque les
allocations dites maintenant d’insertion sont limitées à trois ans pour les cohabitants
non privilégiés (peu importe leur âge) tandis que pour les cohabitants
privilégiés, les isolés et les chefs de ménage, cette limitation à trois ans
prend cours à partir de l’âge de 30 ans. Le délai de trois ans pourra être
prolongé si le demandeur d’emploi a travaillé 156 jours durant les deux
dernières années. Pour les personnes reconnues par le médecin de l’ONEM en
incapacité d’au moins 33 %, cette limitation a été portée à 5 ans mais selon
des infos encore officieuses, ces demandeurs d’emploi jusque là exempts du
contrôle de la disponibilité, devraient, eux aussi, s’y soumettre.
Insistons sur le
fait que la limitation dans le temps des allocations d’insertion ne concernent
pas que les jeunes qui sortent de l’école. En effet, vu la crise économique
structurelle du capitalisme et le manque de possibilités d’emploi depuis le
début des années 80, un nombre important de travailleurs sans emploi sont
restés en allocations d’insertion (anciennement d’attente) et n’ont jamais
travaillé assez longtemps que pour percevoir des allocations de chômage sur la
base d’un travail. Tous ceux-là aussi, chômeurs de longue durée, en
situation déjà très précaire, sont menacés d’exclusion au premier janvier 2015.
Il s’agit donc également d’une attaque frontale contre tous les travailleurs
sans emploi de longue durée, c’est-à-dire celles et ceux qui ont été peu à
l’école, qui ont des difficultés de lecture et d’écriture et qui sont déjà dans
des situations sociales inextricables. Les femmes cohabitantes, contraintes aux
tâches ménagères et d’éducation des enfants et qui n’ont jamais travaillé le
temps nécessaire que pour pouvoir accéder aux allocations de chômage sur
la base d’un travail, paieront elles aussi un lourd tribu à cette mesure de
limitation dans le temps des allocations d’insertion. Les femmes seules avec
enfants, qui doivent déjà affronter énormément de difficultés au quotidien et
qui à cause de celles-ci, ont eu peu de possibilités pour accéder au travail ou
au temps plein, feront aussi les frais de cette mesure.
La réforme
des allocations de chômage :
Outre la
dégressivité (voir plus bas), elle comprend plusieurs autres volets.
Contrôle de
la disponibilité régionalisé et étendu aux plus de 50 ans !
Notons tout
d’abord que le contrôle de la disponibilité organisé par l’ONEM depuis 2004
sera régionalisé. En Wallonie, ce contrôle serait pris en charge par un
organisme d’intérêt public à créer mais cette info reste à vérifier. Signalons
que la FGTB, principalement dans sa composante wallonne, a toujours revendiqué
la suppression de ce système. Nous espérons que cette revendication continuera
à s’exprimer avec la même teneur et la même force dans les semaines et les mois
qui viennent. Depuis 2004, ECOLO s’est toujours prononcé contre ce contrôle.
Mais alors, comment se fait-il que ce parti ait accepté ce transfert de
compétence tel quel dans le cadre des négociations sur la réforme de
l’état ? Etant au gouvernement wallon, acceptera-t-il sa mise en place
sans le critiquer alors que celui-ci sera amplifié et étendu jusqu’à 55
ans en 2013 et jusqu’à 58 ans en 2016 et plus si les Régions le veulent ?
La notion
d’emploi convenable modifiée
Auparavant, au
bout de six mois, un travailleur sans emploi était obligé d’élargir sa
recherche à d’autres domaines que le sien. Avec les mesures du gouvernement
papillon, il devra le faire maintenant au bout de trois mois de chômage
seulement. De plus, la distance jusqu’à laquelle un travail est considéré comme
acceptable passe de 25 kms à 60 kms, et cela, quelle que soit la durée de déplacement.
Elargissement
de l’obligation passive de disponibilité
Cette obligation
sera élargie jusqu’à l’âge de 60 ans à partir de 2013. C’est-à-dire que les
travailleurs sans emploi et les prépensionnés seront obligés d’accepter jusqu’à
cette âge là toute offre d’emploi dite convenable !
Dégressivité
des allocations de chômage
A partir du 1er
novembre 2012, la dégressivité des allocations de chômage se mettra en place.
Cette dégressivité constitue un véritable chantage imposé à tous les
travailleurs sans emploi. S’ils ne trouvent pas de travail, ils tomberont au
bout d’une certaine période dans des allocations de chômage en dessous des
seuils de pauvreté européen. Deux cent mille personnes, principalement des
chefs de ménage et des isolés risquent de tomber dans ce piège à la précarité
tendu par le gouvernement papillon. Dans ces conditions, comment la Belgique
compte-t-elle remplir ses engagements vis-à-vis de l’Europe qui étaient de
réduire d’ici à 2020 de 380.000 le nombre de nos citoyens touchés par la pauvreté ?
Comment un gouvernement, sensé travailler pour l’amélioration du bien être de
toute la collectivité, peut-il ainsi décider volontairement de faire baisser
les revenus du chômage en dessous des seuils de pauvreté et placer un nombre
important de personnes dans des situations de dettes, de difficultés pour payer
le loyer ou se loger, de gros problèmes pour se soigner ou même
manger ! Comment feront-ils tous ces demandeurs d’emploi pour retrouver un
travail avec toutes ces problèmes sur le dos ?
De plus, faire
payer ainsi la facture aux chômeurs alors qu’il n’y a qu’une seule offre
d’emploi disponible pour 25 demandeurs en Wallonie et que le gouvernement
renonce à développer une politique publique de création d’emplois de qualité
pour tous, c’est inadmissible !
Voici les principales
étapes de la dégressivité des allocations de chômage : PREMIERE PERIODE : Dans la première phase de la première période, les allocations seront plus élevées qu’actuellement. Les travailleurs sans emploi toucheront durant les trois premiers mois 65% du salaire brut perdu plafonné à 2370,76€ Les trois mois suivants tombent déjà à 60% du salaire brut perdu plafonné à 2370,76€ Dans la seconde phase de cette première période, pendant les six mois qui suivent, le travailleur sans emploi percevra une allocation calculée sur la base de 60% du salaire brut perdu plafonné à 2209,59€ SECONDE PERIODE : Selon le passé professionnel de chaque demandeur d’emploi, elle pourra durer de 2 à 36 mois. Dans la première phase de cette seconde période, pendant une période de 2 mois plus 2 mois par année de passé professionnel avec un maximum de 12 mois en tout, 60% du salaire brut perdu plafonné à 2064,81€ pour les chefs de ménage, 55% du salaire brut perdu plafonné à 2019,88€ pour les isolés et 40% du salaire brut perdu plafonné à 2019,88€ pour les cohabitants. Dans la seconde phase de cette seconde période, pendant les 24 mois suivants maximum (toujours par tranche de deux mois supplémentaires par année de passé professionnel), les allocations diminueront chaque semestre pour tous les chômeurs jusqu’au forfait. TROISIEME PERIODE EST EGALE AU FORFAIT : Chef de ménage : 1090€ Isolé : 916€ Cohabitant : 484€ |
Rupture avec
le caractère assurantiel des allocations de chômage :
Depuis 2004,
toutes les mesures de réforme des allocations de chômage, y compris celles qui
concernent l’accompagnement des chômeurs organisées par le service public
régional de l’emploi, rendent complètement aléatoires la protection sociale de
tous les travailleurs victimes de licenciements souvent dus à des
restructurations ou délocalisations voulues par des actionnaires avides
d’augmenter leurs profits personnels. Le contrôle de la disponibilité,
l’accompagnement individualisé des services régionaux de l’emploi, la
transmission systématique des données de ces services vers l’ONEM, le stage
d’attente qui devient stage d’insertion, imposent aux jeunes et aux
travailleurs sans emploi de prouver qu’ils recherchent activement du travail
pour avoir accès aux allocations de chômage ou pour pouvoir continuer à en
bénéficier. Depuis 2004, nous sommes entrés dans l’ère de la sécurité sociale
au mérite. Pour les plus jeunes, ouvrir le droit aux allocations d’insertion va
dépendre d’obligations à respecter pendant la période de stage et pour tous les
chômeurs, depuis 2004, pour garder les allocations, il faut respecter des
conditions subjectives fixées par l’ONEM ou les services régionaux de l’emploi dans
des contrats. Soumis à de multiples évaluations, tous les travailleurs sans
emploi sont susceptibles de subir un jour ou l’autre une sanction. Avec la
limitation dans le temps des allocations d’insertion et la dégressivité des
allocations de chômage, le gouvernement papillon vient de franchir une étape
supplémentaire. Alors que le contrôle de la disponibilité impose l’obligation
de faire la preuve de recherches actives d’un travail, maintenant, en plus, il
va falloir absolument en trouver un, même précaire, pour échapper à l’exclusion
ou à de maigres allocations ! la Sécurité Sociale constituait le premier
rempart contre la pauvreté. Grâce aux gouvernements qui se sont succédé depuis
2004, ce n’est plus le cas. Dès lors, pas étonnant que le nombre de personnes
confrontées à la pauvreté ait augmenté fortement dans notre pays et que les
CPAS se sentent démunis face à l’afflux des demandes d’aides sociales qu’ils
doivent assumer sans refinancement. Et comme devoir accepter n’importe quel
travail va devenir nécessaire pour échapper aux sanctions ou à la dégressivité,
le fait de travailler ne sera pas non plus la garantie de sortir de la
précarité. Les patrons se frottent les mains car ils vont pouvoir exploiter la
main d’œuvre disponible aux conditions qu’ils souhaitent. De plus, dans le
cadre de la politique de relance économique voulue par le gouvernement, ils
vont continuer à bénéficier de baisses de charge et d’avantages fiscaux sans
contrepartie !
Stop à la
chasse aux chômeurs, annulation de la dette, retour au caractère assurantiel
des allocations de chômage !
Ce ne sont pas
les chômeurs qui sont indisponibles, c’est l’emploi ! Ce ne sont pas les
jeunes, les femmes ni l’ensemble des travailleurs qui sont responsables des
crises financières et de la dette ! Dès lors, par nos mobilisations, nous
devons imposer des revendications qui font payer les crises par ceux qui les
ont provoquées ainsi qu’une politique qui rétablit le caractère assurantiel des
allocations de chômage et la création d’emplois de qualité pour tous.
Ce sont les
banques qui ont provoqué la dette par des opérations de spéculation financière.
Celle-ci doit être soumise à un audit. Le gouvernement ne devrait pas imposer
le remboursement des parties illégitimes de la dette aux travailleurs avec ou
sans emploi. Ces derniers voient leurs droits réduits à néant tandis que les
banquiers ont bénéficié de centaines de milliards pour se renflouer. Réduire
cette soi-disant dette publique que le gouvernement (c’est-à-dire toute la
collectivité) aurait vis-à-vis des banques et des marchés financiers,
c’est démanteler nos droits sociaux et nos services publics. C’est
favoriser la précarisation du marché du travail. STOP, nous sommes la majorité
de la population! Nous n’avons pas à payer pour une minorité qui veut encore
plus de richesses alors qu’elle en possède déjà une toute grande partie !
Nous revendiquons l’annulation de la dette illégitime ainsi que le retrait de
toutes les mesures prises contre les chômeurs depuis 2004.
- Création
d’emplois de qualité pour tous !
Ce dont la
population a besoin, c’est d’une véritable politique de création d’emplois de
qualité pour tous.
C’est possible,
par :
- la
réduction du temps de travail, sans augmentation de la flexibilité, sans
perte de salaire et avec embauches compensatoires.
- Un
plan public de création d’emplois qui soit respectueux de l’équilibre
écologique, dans des activités qui correspondent aux besoins sociaux de toute
la collectivité.
Ces deux mesures
essentielles pourraient être financées par l’annulation de la dette illégitime,
un impôt plus juste et plus progressif, la suppression des intérêts notionnels,
une lutte efficace contre la fraude fiscale (20 milliards par an), une taxe sur
les transactions financières,…
Pour que tous
nous puissions avoir accès à une vie décente, il faudra imposer par nos luttes
une répartition équitable des richesses pour une politique assurant à chacune
et chacun un emploi de qualité et le maintien d’une sécurité sociale forte qui
protège véritablement de la pauvreté. Au lieu de faire la chasse aux chômeurs,
les pouvoirs publics devraient s’inspirer de nos propositions car ils devraient
être au service de la majorité de la population et pas, comme actuellement, à
celui d’une minorité de financiers et de gros actionnaires avides de profits.
Freddy Bouchez
Coordinateur de l’ASBL CEPRé (Centre d’Education Populaire Régional)
Militant de la FGTB/Centre.
Chasser les banquier et pas les chômeurs !
RépondreSupprimerIl n'y a pas d'emploi et on s'attaque au victime.
Ce gouvernement est corrompu et sans coeur !
C'est un article à lire avec attention,car le sujet concerne tout le monde et vous avez bien su le présenter,félicitaion pour le choix des expressions et je vous encourage pour continuer dans ce niveau !! merci.
RépondreSupprimerj'ai l’honneur de lire votre article car le sujet est hyper intéressant très instructif, nos connaissances ont toujours besoin de tels articles pour rester en mise à jour avec ce qui nous entoure, continuez dans ce sens et merci!!
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