29/02/2012

Actions du 29/2 - Mons, Charleroi et... Athènes!


 Photos : Viku Ioannidou

photo : FM
Photo :  FM

24/02/2012

Nous sommes tous grecs

Le capitalisme veut sortir de sa crise profonde par une offensive sans précédent contre les peuples. Ce qui se passe en Grèce, jours après jours, est un véritable laboratoire qui permet de tester jusqu’où la violence de ces attaques peut être supportée.
Sitôt les mesures imposées par la Troïka (FMI, BCE, UE), adoptées pour la forme par le parlement grec au cours d’une nuit d’enfer où l’offensive d’austérité se doubla d’une répression féroce contre la population et transforma Athènes et Thessalonique en « chambres à gaz » pendant des heures, les « serviteurs » du capital s’empressent de mettre la barre encore plus haut, et les agences de notation la note encore plus bas… « Il l’a bien cherché » continue-t-on à entendre du petit peuple grec. On s’apitoie surtout sur le sort des créanciers privés, banques et fonds d’investissement qui auraient « perdu de l’argent » en concédant un effacement partiel de la dette de la Grèce mais on passe sous silence les plantureux et scandaleux bénéfices qu’ils en ont tiré au cours des dernières années en plongeant la Grèce dans une dette abyssale.
Les « marchés » ont définitivement cadenassé la « démocratie ». Les chefs des deux partis de la coalition au pouvoir, le PASOK (socialiste) et Nouvelle Démocratie ont même été obligés de s’engager par écrit à respecter les promesses faites d’économies budgétaires et de réformes y compris après les élections législatives anticipées, prévues sous peu.
Mais ce n’est pas encore assez. Les « experts » n’ont pas attendu une minute pour reprendre leur travail de sape : les calculs n’étaient pas bons, il faudra de nouvelles coupes sombres. Le fruit doit être pressé jusqu’au bout.
Dans cette spécialité, notre ancien premier ministre libéral, Guy Verhofstadt, montre ses crocs : « Le seul moyen de nettoyer les écuries d'Augias et de faire entrer les Grecs dans la modernité à laquelle ils aspirent est de provoquer une grande vague de libéralisation visant à découpler le travail de l'Etat. C'est tout le marché du travail qu'il faut donc réformer dans un premier temps, ainsi que supprimer les barrières administratives et règlementaires restreignant l'activité économique, puis il faudra privatiser les entreprises publiques, sitôt la situation économique suffisamment stabilisée pour éviter le bradage des biens nationaux à vil prix. (…)La stabilité des finances publiques n'est qu'un des éléments d'une politique globale qui doit aussi conjuguer la solidarité et la croissance. Une perspective dont la Grèce n'est d'ailleurs pas seule à avoir besoin. » (Le Soir – 22/02/12)
Voilà qui est clair, non seulement pour les grecs mais aussi pour tous les travailleurs européens dont le sort se joue aussi en Grèce, en Espagne, au Portugal. Chaque attaque où qu’elle apparaisse, est une attaque contre tous.

MES ?
Les parlements nationaux sont muselés. Il en va de même partout en Europe ou se joue actuellement le sort du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) : au sein de ce mécanisme, les décisions seront prises par le Conseil des gouverneurs composé exclusivement des ministres des finances de la zone euro. Aucun veto, ni aucune autorité des parlements nationaux n’est prévu sur ces ministres lorsqu’ils agissent au titre de gouverneurs. De plus, ils jouiront en cette qualité d’une immunité totale leur permettant d’échapper à toute poursuite judiciaire. Qui a fait la moindre publicité à ces discussions qui nous engagent sur le long terme ?
« Négation des compétences fiscales et budgétaires des parlements nationaux, déni des principes de base de la démocratie, impossibilité d’opposer un veto, immunité judiciaire totale, opacité des documents… Autant de procédés antidémocratiques qui m’amènent aujourd’hui à vous demander d’adopter une position claire quant à ce traité. Allez-vous l’accepter ou le rejeter ? Il va sans dire que je prendrai en compte votre réaction sur cette question cruciale la prochaine fois que je serai appelé(e) aux urnes » c’est le texte d’une lettre que le CADTM propose d’adresser aux parlementaires belges sur cette question. Ils ne semblent pas presséEs de répondre. Sur les douze parlementaires qui ont répondu au CADTM, seuls deux ont indiqué vouloir voter contre, sept « ne se prononcent pas »…

Ni pour, ni contre…
…bien du contraire ! C’est l’attitude adoptée par le PS français dans les votes à l’Assemblée comme au Sénat. « Le MES devrait finir sans être inquiété son petit bonhomme de chemin parlementaire. Ce nouveau fonds de soutien aux pays de la zone euro en difficulté, le «Mécanisme européen de stabilité», a été adopté, mardi à l’Assemblée, la droite et le centre l’approuvant, tandis que les socialistes se sont abstenus à l’exception d’un quinzaine d’entre eux » conclut Libération (23/02/2012).
En Grèce, comme partout en Europe, seule la rue pourrait imposer une alternative aux politiques d’austérité qui s’installent dans un vide démocratique absolu.

Que font les syndicats ?
C’est dans ce contexte que la Confédération Européenne des Syndicats (CES) appelle à une journée européenne d’action le 29 février. La CES cerne les vrais enjeux : la pauvreté qui gagne du terrain, l’emploi qui sombre, le sauvetage des banques préféré à celui des peuples, le drame du peuple grec,… mais se trompe de réponses et de moyens d’action. Peut-on croire que la relance (du système capitaliste) va stopper ses attaques constantes contre les conquêtes des travailleurs que sont les systèmes de Sécurité Sociale, le Droit du Travail, la Démocratie ? Et qui peut penser que, malgré leur simultanéité, quelques milliers de manifestants éparpillés dans chaque pays, au bon vouloir de leurs directions syndicales nationales, auront plus de poids que les millions de travailleurs qui ont affronté l’offensive capitaliste de la Grèce à l’Espagne en passant par la Belgique, la Roumanie, le Portugal et tant d’autres pays ? Oui, il est temps de porter le combat au niveau européen, mais de manière bien plus déterminée, sur des objectifs bien plus radicaux. Une autre voie est possible : celle qui, s’appuyant sur les larges mobilisations dans de nombreux pays, modifiera le rapport de forces en faveur des travailleurs.

Freddy Mathieu – 23/02/12

20/02/2012

La FGTB carolo dit non à l'austérité "aménagée" et réfléchit à une alternative politique

Les assemblées générales interprofessionnelles de délégué(e)s sont devenues une tradition à la FGTB de Charleroi. Ces derniers temps, elles ne sont pas rares, et très intéressantes politiquement. Lors de l'assemblée préparatoire à la grève du 30 janvier, on avait déjà entendu plusieurs interventions musclées contre la social-démocratie. Un délégué de la sidérurgie avait même plaidé pour la rupture de tous les liens avec le PS, qualifié "d'ennemi de la FGTB". Embrayant dans le même sens, notre camarade André Henry avait proposé que le mouvement syndical œuvre activement à l'émergence d'une nouvelle force politique, sur base d'une programme anticapitaliste.
Jeudi 16 février, une nouvelle assemblée était convoquée pour faire le bilan de la grève du 30 janvier, évaluer son impact et préparer la journée d'action européenne du 29 février. Le moins qu'on puisse dire est que les troupes carolo ne voient pas dans les mini-concessions gouvernementales les "avancées" saluées par Anne Demelenne. Les délégué-e-s dénoncent plutôt une manœuvre visant à diviser et à désamorcer la riposte syndicale, en vue des nouvelles attaques qui ne manqueront pas lors du contrôle budgétaire.
Mais c'est surtout la radicalisation politique qui mérite d'être épinglée. Des militant-e-s qui ne sont pas précisément étiqueté-e-s d'extrême-gauche n'ont pas craint d'affirmer avec force que le PS a "trahi les travailleurs" et "planté un poignard dans le dos" du monde du travail. Toutes les interventions étaient du même tonneau, et certaines émanaient de militants connus jadis pour leur appartenance de longue date au PS.
Vraiment, la coupe est pleine. Non seulement les secrétaires l'ont compris, mais en plus ils ouvrent carrément le débat sur l'alternative. Dans une intervention remarquée, au cours de laquelle il a tiré la sonnette d'alarme sur le précédent grec, le président des métallos Hainaut-Namur, Antonio Cocciolo, a déclaré que le Comité Permanent prendrait ses responsabilités afin que le mouvement syndical dispose à l'avenir d'un relais politique digne de ce nom. Dans cet esprit, il a annoncé que la direction interprofessionnelle régionale envisageait de rédiger un programme et d'interpeller toutes les forces à gauche du PS afin qu'elles s'unissent sur cette base. Le secrétaire régional, Daniel Piron, est intervenu avec force dans le même sens.
Cela fait plusieurs années que la FGTB Charleroi-Sud Hainaut (102.000 affilié-e-s) prend ses distances avec le Parti Socialiste. L'époque des Premier Mai de l'Action Commune est enterrée depuis belle lurette. Plus récemment, lors de son dernier congrès statutaire, la régionale avait annoncé qu'elle serait dorénavant ouverte à des relations avec tous les partis démocratiques de gauche. C'est d'ailleurs dans le cadre de cette ouverture qu'une délégation de la LCR Hainaut a eu l'occasion de débattre avec les membres du Comité Permanent l'analyse exposée dans notre "Lettre ouverte aux syndicalistes", qui porte précisément sur les conclusions à tirer du fait que le mouvement syndical n'a plus d'amis politiques au parlement...
La radicalisation à gauche du syndicat socialiste carolo ne tombe donc pas du ciel, mais il est indiscutable qu'elle s'est considérablement approfondie, étendue et accélérée depuis que les militant-e-s sont confronté-e-s à la brutale offensive d'austérité menée sous la houlette d'Elio Di Rupo.
A cet égard, un fait qui ne trompe pas est que la radicalisation touche notamment les syndicalistes du secteur Admi de la CGSP (les administrations locales et régionales). Il va sans dire que les syndicalistes de ce secteur sont traditionnellement, disons, assez proches des majorités PS dans les communes hennuyères. Or, ce sont précisément des responsables et militant-e-s de la CGSP Admi qui ont chahuté les réceptions de Nouvel An de Rudy Demotte à Tournai, et d'Elio Di Rupo à Mons. Une rupture analogue se prépare-t-elle au Pays Noir? Il est trop tôt pour le dire, mais une centaine de syndicalistes, inquiets des nouveaux assainissements qui se préparent au niveau de la commune, se sont rassemblés le 17 février devant l'hôtel de ville afin d'interpeller le pouvoir échevinal...
Nul doute que le débat qui s'ouvre sera passionnant. La question posée est en effet fondamentale: l'indépendance syndicale, a laquelle toutes et tous sont attaché-e-s à juste titre, implique-t-elle que le syndicat ne peut rien être d'autre qu'un "contre-pouvoir", absent du terrain politique et laissant la politique aux partis? Cette conception "purement syndicale" ne laisse-t-elle pas le champ libre à un PS qui trompe cyniquement sa base sociale dans le monde du travail? Dès lors que la solution de la crise dépend de décisions politiques, le syndicat ne doit-il pas œuvrer activement à l'émergence d'une alternative politique conforme aux intérêts de ses deux millions et demi d'affilié-e-s et appuyée sur leur mobilisation?

15/02/2012

A la FGTB Charleroi...


à la FGTB Charleroi ce mercredi 15 février...
Ce mercredi matin, une délégation de la LCR Hainaut a été reçue par le Comité Permanent Interprofessionnel de la FGTB Charleroi Sud-Hainaut.
Une très bonne rencontre autour de la « lettre aux syndicalistes » que la LCR fait circuler depuis deux semaines dans les milieux syndicaux.
Un débat sans tabous qui a permis de dégager de réelles convergences dans l’analyse de la situation socio-économique actuelle et des défis qui en découlent pour les organisations syndicales. L’exemple de la Grèce a été plusieurs fois évoqué au cours de cette réunion car c’est un véritable laboratoire qui nous éclaire sur le rouleau compresseur de l’austérité et sur les stratégies du néo-libéralisme. Les syndicalistes carolos sont bien conscients qu’en Belgique comme dans toute l’Europe, l’offensive patronale, relayée par les gouvernements ne va pas s’arrêter là. Comment inverser la vapeur ? Comment modifier le rapport de forces ? Quelles alternatives et alliances ? Quels relais politiques pour les organisations syndicales ?
La collaboration franche, partout en Europe, des partis sociaux-démocrates aux politiques de remise en cause du pouvoir d’achat, des droits sociaux, des services publics, des libertés syndicales, nous conduit vers une dictature du capital sans entrave, un « paradis pour les riches, un enfer pour les pauvres ». Cette politique a pourtant conduit à des débâcles électorales (Espagne, Portugal, Angleterre et en Grèce où le PASOK, n’obtiendrait plus les 10%). Elle ouvre les portes à la droite extrême, nationaliste et raciste : la NVA en Flandre, le FN en France, le LAOS en Grèce.
Face au constat de l’impasse dans laquelle la « gauche de pouvoir » a conduit les travailleurs, et les multiples questions qu’elle soulève, les participants envisagent de poursuivre et d’élargir le débat dans l’organisation syndicale.

La délégation de la LCR Hainaut tient à remercier la FGTB Charleroi et ses responsables pour la qualité des débats et la fraternité de l’accueil.

13/02/2012

Négocier, négocier quoi ?


Dès le budget 2012 déposé, les syndicats ont déclaré qu’il était « déséquilibré » et « inéquitable ». On pourrait déjà dire beaucoup de choses de ces termes qui laissaient entendre que le front commun syndical s’imaginait que quelques corrections pourraient rendre les mesures plus acceptables. Il demandait une concertation en ce sens. A la mi-décembre le gouvernement leur répondit sans équivoque : il court-circuita le semblant de concertation en passant en force au parlement - et sans concertation - plusieurs mesures antisociales dans le domaine du chômage, du crédit-temps, de la prépension et de la pension. Les services publics lancèrent (en quelques jours) une grève le 22 décembre qui fut un succès. Un préavis de grève générale pour /ou au plus tard le 30 janvier était déposé, autre formule syndicale ambigüe. Tout autant que le « cahier de revendications » qui l’accompagnait et la prudence de sioux des directions syndicales qui avançaient sur la pointe des pieds dans la préparation de cette grève générale qui fut pourtant un succès.
Une fois ce cap franchi, le gouvernement fit semblant de renouer la négociation tout en affirmant que rien de fondamental ne serait changé aux textes votés. Finalement la principale « concession » du gouvernement fut d’accepter que ses textes comportaient de nombreuses erreurs et anomalies techniques qui les rendaient difficilement applicables immédiatement en l’état.
Des mesures condamnées par les syndicats depuis le début, ils ne sont parvenus qu’à retirer quelques virgules : des groupes de travail avec les cabinets, quelques « ouvertures pas encore concrétisées » (dixit une note syndicale !), la correction de mesures qui constituent une rupture de contrat vis-à-vis des personnes qui sont actuellement dans les différents systèmes modifiés (prépensions, allocations d’attente, crédit-temps, …).
Rien de fondamental avait dit le premier ministre, il en est ainsi.
Freddy Mathieu

10/02/2012

Le « faux » plus vrai que nature…


Au lendemain de la grève générale du 30 janvier, son image a fait le tour de l’Europe, et même plus loin. Lui c’est François Houart, comédien, militant. « Le Soir » n’avait retenu que « La FGTB avait amené Elio en personne ! Un comédien bruxellois a parodié notre Premier ministre sous les quolibets amusés »…
Nous l’avons rencontré en compagnie de Freddy Bouchez, animateur au Cépré[1], l’ASBL d’éducation permanente de la FGTB Centre.

Q. D’abord, il faudrait rendre au Cépré ce qui appartient au Cépré. Freddy, tu peux nous expliquer d’où vient cette idée de produire ce spectacle de rue ?
FB\ Ce n’est pas la première fois, dans le cadre des activités de l’ASBL Cépré que l’on utilise l’outil « théâtre-action ». On l’a déjà fait pour sensibiliser et organiser des actions, sur des réalités vécues par les travailleurs sans emploi ; on a popularisé, par exemple, le livre « Paroles de chômeurs » à partir de lectures théâtralisées permettant à des travailleurs sans emploi de devenir les acteurs de leur propre vie…
Par rapport aux mesures d’austérité du gouvernement Di Rupo, on a constitué un « comité d’action contre l’austérité », le constat de départ étant qu’il y a encore beaucoup de gens qui ne sont pas sensibilisés sur le contenu des mesures et de la manière dont cette austérité va les toucher. Dès lors, elles ne se mobilisent pas. Particulièrement toute la couche de travailleurs qui ont (encore) un contrat à durée indéterminée avec un salaire plus ou moins convenable, étant donné que dans un premier temps les mesures ne vont toucher que le chômage, les jeunes, les prépensions, les pensions. Dans le comité d’action on a décidé de créer une campagne de sensibilisation dans les villes et villages de la région. D’utiliser le théâtre-action pour réoccuper l’espace public, les marchés, les places… Au cours d’une réunion du Comité d’Action est venue l’idée de monter un sketch qui met en scène le premier ministre Elio Di Rupo, surtout pour déconstruire les arguments avancés par le gouvernement pour justifier cette austérité qui serait inévitable. Nous, nous disons tout le contraire, cette austérité n’est pas une fatalité !
Q. Freddy a dit « déconstruire » le discours dominant… mais ce qui « marche » bien dans ce spectacle de rue, c’est l’imitation, le détournement du discours d’Elio Di Rupo. François, tu commences les phrases comme lui mais ensuite tu dis le contraire de lui ; finalement tu trahis ce qu’il dit, ce n’est pas un peu malhonnête cela ?
30/01 : le faux devant le domicile du vrai, avec son fou...
FH\  Dans cette discussion avec les militants, tout le monde disait que le discours lénifiant et manipulateur d’Elio Di Rupo c’est ce qui qui les écœure. Finalement, c’est le président d’un parti qui s’est fait élire en disant qu’il était le seul à pouvoir s’opposer au « bain de sang social »… Or, avec le plan d’austérité, les gens ici, le bain de sang social, c’est eux qui le prennent dans la gueule et ils se disent, « quoi ? le PS est au gouvernement et Di Rupo est premier ministre, et c’est eux, aujourd’hui les instigateurs du bain de sang social ! » Ils se sentent trahis.
La « déconstruction » du discours dominant est urgente car il fait des ravages chez les travailleurs et même au syndicat : beaucoup partent au combat battus d’avance ou pour un « baroud d’honneur ». C’est la preuve que toute la stratégie de communication d’un homme politique comme Di Rupo, c’est quelque chose d’affiné et qui marche encore sur la population. On a donc voulu prendre ce discours à contre-pied. Ce qui donne un effet assez surprenant car plutôt que d’en faire une caricature de comploteur machiavélique, on en a fait un gars qui dit avec candeur: « on va continuer, pas à pas, à construire l’Europe des banques sur les ruines de l’Europe sociale comme nous le faisons depuis 30 ans.. ». Ça n’a rien de malhonnête car quoi qu’ils disent de leurs « convictions », on sait que partout, quand ils sont au pouvoir par le passé comme maintenant, les partis sociaux-démocrates  font passer de sales mesures en utilisant les mêmes arguments. Ce qu’on voulait faire c’est  déconstruire cette sorte de « pensée magique » qui a gangrené la social-démocratie : la croyance aveugle et dogmatique dans les dieux des Marchés, les financiers comme ceux de l’emploi !  On a fait comme si Elio Di Rupo avait pris une pilule d’ecstasy et qu’il ne maîtrise plus tout à fait ce qu’il raconte et va jusqu’au bout de ses raisonnements, il n’essaie plus d’enrober son discours : « On vous dit :  indignez-vous ? Je vous réponds : résignez-vous ! »
Q. Ouvrons une parenthèse et faisons un parallèle avec la Grèce : on en est au 7ème plan  d’austérité en deux ans et la situation est catastrophique, on parle de début de famine, des études montre les ravages sur la santé, les tendances suicidaires d’une large partie de la population,… c’est ça qui nous attend ? Alors quoi, ils sont aveugles ?
FH\ Ils ne sont pas aveugles, ils n’ont pas le courage politique d’envisager des alternatives de gauche.Remettre en cause cette dette injuste, ils ne le feront que si on les y oblige. Car comme le dit notre Elio :  « Nous nous sommes volontairement pieds et poings liés à l’Europe des Marchés ! ».
FB\ Le PS tient depuis longtemps ce discours de résignation. On a parlé de la problématique de la chasse aux chômeurs, je me souviens en 2004, lors d’un débat à Bruxelles organisé par la plateforme « Stop Chasse aux chômeurs », où le président du PS, Elio Di Rupo, nous a dit carrément « votre combat est louable, mais nous, vu les pressions de l’Union Européenne, on ne peut pas faire autre chose que mettre des rustines pour que cela fasse le moins mal possible ». Ils sont persuadés qu’il n’y a pas d’autre politique possible. On peut aussi se demander s’ils croient encore en la possibilité de contrer le capitalisme… Aujourd’hui disent qu’ils défendent ce qu’ils appellent une « économie sociale de marché »
FH\ D’ailleurs c’est symptomatique qu’Elio ne dénonce que l’ultralibéralisme, les superprofits, les dérives des spéculateurs, etc…pour lui ce n’est pas le capitalisme qui est responsable de la crise mais quelques excès.
FB\ Mais ce concept d’économie sociale de marché n’a aucun sens. Quand on regarde les politiques menées ces dernières années, on voit bien que le social a été broyé partout. A commencer par les systèmes de Sécurité Sociale, la bourgeoise est entrain de reprendre ce qu’elle a dû concéder au mouvement ouvrier quand le rapport de forces lui était plus favorable.
Q. Est-ce que vous ne croyez pas que les socialistes ont franchi une étape supplémentaire, un saut qualitatif? Au cours des négociations pour la constitution du gouvernement, notamment quand la « note Di Rupo » fait une synthèse des propositions socio-économiques émises par les différents partis, faisant une part belle à la ligne de la NVA qui ne cache pourtant pas qu’elle roule pour le patronat flamand...  On ne reviendra plus en arrière : c’est le « catalogue des horreurs » que le gouvernement veut faire passer en trombe…
Avant les socialistes disaient « sans nous ce serait pire » ou bien « on est là pour arrondir les angles de mesures difficiles », maintenant ils disent « il faut rentrer dedans » et ils accusent les syndicalistes d’être excessifs. C’est la phrase d’Elio Di Rupo aux syndicalistes de la CGSP : « Vous conduisez le peuple vers l’abime »…
Dans la logique de déconstruction du discours dont vous parliez tantôt, n’est-ce pas important de faire prendre conscience aux gens, et en particulier aux syndicalistes, de ce changement assez radical ? Ce n’est plus l’ultra capitalisme qui serait in fine le seul responsable, mais aussi ceux qui défendraient de manière irresponsable leurs droits ; on inverse véritablement les responsabilités… A partir de ce moment-là croire qu’on peut demander au PS d’être un relais politique pour faire passer telle ou telle revendication, n’est-ce pas fini, de l’illusion?
FH\ Oui, on inverse tout à fait le discours. Le PS a pu apparaître comme relais politique « naturel » des organisations syndicales pendant longtemps, tant que les gens du PS vivaient encore dans l’idée qu’il y avait des grosses miettes du gâteau capitaliste à ramasser pour les travailleurs. C’est fini. Le libéralisme même, l’idéologie libérale, ont fait des dégâts. Avant il y avait même au PS des gens qui pensaient sincèrement aller cahin-caha vers le socialisme. André Renart a parlé des « Réformes de Structure Anticapitalistes » devant 40.000 grévistes ici à La Louvière en 60.. Mais aujourd’hui on a remplacé ces mots par toute une logorrhée, installée par l’idéologie libérale, de  « saine gouvernance », de « régulation des marchés », d’employabilité… ce sont des technocrates qui sont aux manettes et quand ils sont au PS ils teintent leur discours d’un peu plus de social que les autres.
Avant d’écrire le sketch, j’ai étudié soigneusement de nombreuses interviews de Di Rupo, il y a plein de moments où il dit « je ne suis pas contre le profit, ce qu’il faut simplement c’est qu’il y ait des retombées pour tout le monde ». Mais évidemment quand cette machine-la est en panne -et elle est en panne, comment le nier : après les superbénéfices, la Xème crise est venue en 2008- les gens commencent à douter. Il y a un choc, il y a une opportunité pour amener d’autres idées et les mettre à portée de tous.
Freddy Bouchez (à gauche)
FB\ On est en train de casser la Sécurité Sociale. Chaque fois, ils disent « ce serait pire sans nous » mais chaque fois on accepte des reculs sociaux de plus en plus importants. Si on considère que la conquête de la Sécurité Sociale, c’était une « révolution », ou au moins une réforme sociale majeure, il faut bien constater qu’ils sont passés dans l’autre camp, dans le camp de la contre-réforme libérale. Ce qui est dramatique c’est qu’au niveau syndical, face à cette évolution il y a un certain désarroi.
FH\ On est dans l’impasse. Il y a un vide. On n’a plus de relais politique naturel.
FB\ Par rapport à nos revendications, on n’a plus de relais politique. C’est bien clair. Ceux qui étaient considérés comme des amis politiques sont devenus des adversaires. Les seules forces qui portent encore des revendications anticapitalistes se trouvent dans le mouvement syndical, dont des ailes importantes ont aussi radicalisé leurs analyses (par exemple dans la FGTB wallonne). C’est un contexte assez difficile, qui plonge beaucoup de syndicalistes dans le désarroi. Mais à partir de ce contexte nouveau il faut réinterroger les stratégies syndicales : il faut que le syndicat se positionne différemment pas rapport au politique, il faut rompre avec les anciens relais. Il faut en tout cas un mouvement syndical plus offensif qui détermine ses positions en toute indépendance.  Il faut des plans d’actions plus convaincants pour éviter de devoir « atterrir » n’’importe comment. Cela implique que même quand on a perdu une bataille, on continue à se battre pour nos alternatives plutôt que de se jeter sur des « compromis » qui se traduisent en reculs sociaux successifs. Nos luttes doivent être plus déterminées et aller jusqu’au bout.

propos recueillis par Freddy Mathieu

[1] ASBL Cépré -Centre d’Education Populaire Régional (Régionale du Centre du CEPAG)- : Le comité d’action contre l’austérité de l’ASBL CEPRé a été présent dans les rues et sur les piquets de grève, les 28 et 30 janvier 2012, la « joyeuse entrée d’Elio 1er dans sa bonne ville de La Louvière » et la présence du « premier sinistre » à Mons, le 30 janvier…
Prochaine réunion du comité d’action contre l’austérité de l’ASBL CEPRé, qui aura lieu le mercredi 22 février 2012 à 18 h 30, rue Henry Aubry, 23 à 7100 Haine-Saint-Paul (dans les locaux de la FGTB/Centre) – contact : Tél : 064/236173

04/02/2012

On demande une alternative politique

Les syndicats sont confrontés pour la première fois depuis longtemps à un gouvernement dont l’ambition est de modifier durablement le rapport de forces entre le patronat et le monde du travail au détriment de ce dernier. Ironie du sort, c’est aussi la première fois depuis plus de 30 ans qu’un gouvernement est dirigé par un Premier ministre PS… Les directions syndicales hésitent à l’affronter de front, de peur que sa chute n’entraîne la venue d’un gouvernement encore plus à droite. Le monde du travail ne pourra pas faire l’économie d’un débat approfondi sur l’alternative politique à la social-démocratie.  
Ce n’est pas la première fois que le mouvement syndical – ou des fractions de celui-ci - entre en conflit ouvert avec la social-démocratie. Sans remonter trop loin dans le temps, souvenons-nous de la grève générale de 1993 contre le Plan global ou des grèves enseignantes contre le gouvernement Onkelinx en 1996-97. En 1993, la FGTB avait mis fin à la grève générale la plus massive de l’histoire du pays sans obtenir la suppression du Plan global qui portait pourtant un coup très dur à l’indexation des salaires qui ne tient désormais plus compte de la hausse des prix du tabac, de l’alcool et de l’essence (le soi-disant index-santé).