18/03/2012

LA CRISE ET L’AUSTERITE VIENNENT DE LOIN. LES DIFFICULTES DU MOUVEMENT SYNDICAL AUSSI ! UNE ISSUE RESTE A TROUVER !

Une contribution d'Alain Van Praet
 
Il aura fallu 541 jours pour que le « gouvernement papillon « se libère de sa chrysalide, mais deux maigrelettes semaines pour qu’il concrétise son catalogue de mesures de régression sociale, au nom du nécessaire redressement des finances publiques, mises en péril par une crise de la dette alimentée par la gabegie du monde de la finance. Pour autant, nous ne sommes pas face à un revirement brutal dans les politiques menées par nos gouvernants, mais face à une nouvelle étape de la longue offensive menée par le capital, et le personnel  politique à son service, contre les conquêtes sociales du mouvement ouvrier. Pour mémoire, le profond état dépressif dans lequel est plongé le capitalisme ne date pas de 2007-2008, mais remonte à plus de trois décennies (retournement de la « phase (relativement) expansive » de l’après seconde guerre mondiale vers 1974-1975).
Depuis lors, le chômage de masse s’est incrusté dans nos sociétés et les politiques d’austérité sont devenues un must pour les différentes coalitions gouvernementales qui se sont succédées, avec des points communs : la fascination devant  l’idéologie néolibérale et une addiction à ses amères potions antisociales.
Les plus anciens se souviennent, par exemple, du gouvernement Martens-Gol, qui de 1981 à 1986, a lancé des trains de mesures « austéritaires » de très grande ampleur. « Austéritaire »,  car mélange décomplexé d’austérité et d’autoritarisme : avec le recours aux pouvoirs spéciaux pour imposer des mesures fortes comme la suppression de 4 indexations !
Naturellement, cette agression n’est pas restée sans résistance  de la part du mouvement syndical, qui a mené de nombreuses luttes. Mais celles-ci ne furent pas à la hauteur des coups de force gouvernementaux et se soldèrent finalement par un échec (l’impossibilité d’empêcher la mise en œuvre des mesures gouvernementales).
Dehaene et Martens
Beaucoup d’éléments jouèrent en défaveur des organisations syndicales. Le PS, alors dans l’opposition, restait au balcon. La direction de la CSC se montrait complaisante vis-à-vis d’une équipe dirigée par un homme fort du CVP, et Jef Houthuys se précipitait à Poupehan, rejoindre ses amis Martens, Dehaene et Fons Verplaetse, avec pour but de définir la marche à suivre pour neutraliser l’opposition de la rue ! De son côté, la FGTB organisait des mouvements de grève en ordre dispersé, sous la conduite d’une direction désorientée par le mépris affiché par les hommes forts du gouvernement envers les vieilles traditions de la concertation sociale. Et lorsque la dévaluation du franc belge fut décrétée, Georges Debunne ne trouva rien d’autre à dire qu’il fallait la « réussir » !
Puis vint un semblant d’éclaircie marqué par le « retour du cœur » et des amis de Guy Spitaels au gouvernement. De courte durée, car la réalité de la « rigueur » a vite repris le dessus. Impossible ici d’énumérer les multiples décisions négatives prises tout au long de ces années de plomb, mais on mentionnera quand même le « plan global », et plus près de nous le « pacte des générations ». Bien sûr, ces épisodes ont également été marqués par des luttes syndicales, de grandes manifestations et même des grèves générales, en front commun cette fois-ci. Hélas, souvent ces combats sont restés sans lendemains car très rapidement les directions sont retombées dans leur obsession de la concertation.
C’est aussi pendant toute cette période que des mesures lourdes de conséquence ont été ratifiées avec l’aval du PS : la loi sur les salaires de 1996 (le fameux carcan salarial), le traficotage de l’indexation (index santé et lissé), des privatisations sur fond de politique européenne de libéralisation et de déréglementation à tous vents, mais aussi de nombreuses attaques contre le mouvement syndical et le droit de grève notamment (de fréquents recours aux tribunaux, qui ont régulièrement imposé des astreintes pour forcer la levée des piquets).

Et nous voilà donc confrontés  à un bilan paradoxal :
·      Les syndicats défendent le secteur public et le service au public. Mais le processus de privatisation a entamé sa longue marche, et aucun grain de sable syndical n’a pu l’enrayer. Dans les moments décisifs, c’est même une coupable inertie qui a caractérisé l’attitude du mouvement syndical : pas une seule journée d’action, pas une seule journée de grève, rien que des déclarations ou des communiqués de presse insipides, sans réelle portée pratique !
·      Les syndicats défendent l’emploi. Mais ils ont donné leur aval à des réductions massives d’effectifs et négocié, sans grande réticence, des volets sociaux lors de chaque restructuration d’entreprises réputées « en difficulté ». Dans le même temps, la revendication centrale de la réduction généralisée du temps de travail a été reléguée, avec bien d’autres éléments programmatiques, dans les tiroirs poussiéreux des appareils.
·      Les syndicats défendent les conditions de travail. Mais celles-ci ne cessent de se dégrader (développement de la flexibilité, productivité exigée toujours plus élevée), entraînant un mal-être massif, la multiplication de maladies et d’accidents du travail.
·      Les syndicats défendent les salaires et le pouvoir d’achat. Mais ils on été incapables de préserver l’intégrité du système d’indexation et se plient à la contrainte de la « norme salariale » à l’occasion des négociations d’AIP !
·      Les syndicats défendent le bien-être de chacun et de chacune. Mais les travailleurs subissent des restructurations permanentes, des fermetures ou des délocalisations, avec pour corollaire le démantèlement des collectifs de travail, le recul des solidarités, le développement d’une société d’individus « atomisés ».
Tous ces revers découlent d’une impasse stratégique du mouvement syndical, d’une perte de repères idéologiques, de sa politique de cogestion et de copinage avec des «  amis politiques », des libertés prises avec la démocratie interne, de l’entretien habile d’une culture de la résignation, d’une absence d’alternative crédible.
Et nous nous retrouvons ainsi,  en ce début 2012, en mauvaise posture, dans une situation difficile et complexe.
Il est clair qu’un changement radical de cap s’impose, mais cela fait plus de  30 ans que cette problématique est posée, cela fait plus de 30 ans que des militants syndicalistes de gauche essaient de « bouger les lignes », et cela fait plus 30 ans que ce virage indispensable n’a pas été négocié.
Comment passer d’une position défensive à une position offensive ? Comment se débarrasser des politiques d’accompagnement de la crise du capitalisme et des attitudes conniventes avec ses thuriféraires, au profit d’une orientation contestataire? Comment sortir du piège de la concertation ininterrompue pour créer de nouveaux rapports de force favorables au mouvement syndical ? Comment abandonner un programme fragile de demi-mesures reposant sur des illusions (dans les vertus sociales et démocratiques de l’UE, par exemple) pour s’orienter vers de véritables solutions de rechange, en rupture avec un mode de production et de consommation qui nous conduit dans une dangereuse impasse ? Comment transformer des organisations devenues des machines à rendre des services et à payer des allocations de chômage en véritables organisations combatives ? Et comment un mouvement qui présente autant de lacunes pourrait-il jouer un rôle dans l’émergence d’une véritable alternative politique, à même de déboucher sur une transformation en profondeur de la société ?
On le voit, il y a vraiment matière à débattre.

Ce blog est dédié à ce type de discussion : je ne peux que vous inviter à vous précipiter sur vos claviers pour alimenter le débat. http://debat-syndicats.blogspot.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Expimez-vous, vous aussi faites entendre votre opinion!