03/05/2013

"Nous devons sortir de cette austérité"


par Jean-François Tamellini,
Secrétaire fédéral FGTB

  • Nous poursuivons la publication de prise de positions syndicales dans le cadre du 1er mai en reproduisant le discours de Jean-François Tamellini, le nouveau Secrétaire Fédéral de la FGTB. Discours qu'il a prononcé au meeting de 1er mai de la FGTB Mons-Borinage à la salle Calva de Flénu.

Je vous remercie pour l’invitation mes Camarades. Cela me fait particulièrement plaisir d’être parmi vous en ce 1er mai, ici dans le Borinage, entre borains, à quelques pas de Quaregnon, où le terme Camarade prend tout son sens.
Notre Secrétaire Régionale retracera dans son discours l’origine du 1er mai.
Cette journée qui appartient aux travailleurs, où nous nous souvenons des avancées sociales que nos prédécesseurs ont obtenues grâce à leurs combats
Du suffrage universel à la journée des huit heures, des congés payés aux allocations familiales, du congé de maternité au revenu minimum garanti, de la sécurité sociale au droit de grève, autant de victoires conquises par les travailleurs dans des combats mémorables qui ont marqué l’histoire sociale de ce pays.

Et puis, après les conquêtes sociales, la courbe a commencé à s’inverser
D’une concertation sociale qui rimait avec progrès social après la seconde guerre mondiale, on est passé à une concertation sociale qui rimait avec compétition sociale dans les années 80 et 90, plaçant les travailleurs en concurrence les uns contre les autres. Et puis aujourd’hui, concertation sociale ne rime plus qu’avec  régression sociale…
1 jour pour fêter les Travailleurs, 364 où les travailleurs galèrent !
Evidemment, et il faut savoir aussi le reconnaitre, nous engrangeons encore quelques avancées. Grâce à nos mobilisations.
Il y a quelques semaines, on a revalorisé les plus petites pensions et augmenté le salaire minimum. On a augmenté les minima pour les malades et les invalides. On a aussi obtenu la fin des discriminations liées à l’âge pour les jeunes

Mais le prix à payer pour ces faibles avancées est très lourd. Et le résultat totalement insuffisant. On ne va pas se mentir entre nous Camarades.
Depuis que ce gouvernement fédéral a pris les rênes, ce sont 20 milliards d’économie qui ont été imposés à la population. 20 milliards en moins tous les ans dans les caisses publiques. Et pas sur le dos des rentiers ou des actionnaires comme certains veulent nous le faire croire. Mais sur le dos :
·       des chômeurs, avec la dégressivité et la fin de droits pour 30.000 chômeurs dans les prochains mois alors qu’il n’y a pas d’emplois ; et les jeunes sont particulièrement touchés
·       sur le dos des pensionnés, dont 24% vivent sous le seuil de pauvreté ; 1 pensionné sur 4 est pauvre. Et 3 sur 4 galèrent.
·       sur le dos des services publics qui se font littéralement détrousser, et dont les conséquences vont se faire sentir lourdement sur la population. Toucher aux services publics, c’est augmenter les inégalités et c’est toucher à notre pouvoir d’achat.
Un exemple : Un cursus scolaire, de la maternelle à l’unif, sans services       
publics, coûterait 104.000€. Qui pourrait se le permettre ici ?
Est-cela que nous voulons pour nos enfants ?
·      ces 20 milliards d’économie, ce sont les femmes aussi qui les casquent, en continuant à faire l’objet de discriminations salariales, à faire les frais des contrats précaires, à subir des pensions de misère
·      ces 20 milliards d’économie, ce sont les immigrés qui les payent ; Et le Borinage est une terre d’immigration. Des immigrés à qui le système coupe les racines, obligés de quitter leurs pays parce qu’ils sont exploités ou subissent des guerres, et qui se font ensuite chasser dans les pays où ils essayent de se reconstruire
·      et bien sur les travailleurs en font les frais également, avec des licenciements qui n’en finissent plus de se succéder, et avec des salaires qui n’augmenteraient plus pendant 6 ans au minimum, voire bien plus si le traité budgétaire devait être ratifié.
Nous refusons à la FGTB cette norme 0 et nous le répèterons encore à la ministre de l’emploi. Nous négocierons des augmentations de salaires là où cela sera possible.
Parce qu’on sait très bien que le gouvernement ne s’arrêtera pas à 20 milliards si on le laisse faire. L’objectif initial était de 25 milliards. Demain, à cause du traité austéritaire européen, l’effort sera de 30 milliards ; jusqu’à la prochaine salve. Et alors, après les chômeurs, les pensionnés, les fonctionnaires, ce seront les malades et les invalides à qui le gouvernement fera la chasse, parce que les dépenses INAMI augmentent et que certains se verraient bien privatiser tout le business de la santé ; et tant pis pour ceux qui n’auront plus les moyens de se soigner…

Nous devons sortir de cette austérité, qui ne règle rien, que du contraire :
Les résultats de l’austérité, c’est une explosion sans précédent du chômage partout en Europe. Les records sont battus tous les mois. 23 mois consécutifs d’augmentation du chômage en Europe. 26 millions de chômeurs dans l’UE, soit 11% de la population active.
Grèce : 27,2%
Espagne : 27,1% ; jeunes : 57% ; et le taux serait encore plus élevé si 280.000 jeunes n’avaient pas fui le pays pour essayer de trouver du boulot ailleurs
France : record battu ce mois-ci, avec 5 millions de chômeurs 
Portugal, Chypre : explosion des taux de chômage ; Italie idem. Et nous suivons la même pente en Belgique en continuant sur le chemin de l’austérité.

La soupe populaire n’a jamais été autant sollicitée et le taux de pauvreté chez les jeunes enfants, qui souffrent de malnutrition, est en train d’exploser.
Mais jusqu’où ira-t-on ? L’austérité est le problème, pas la solution.
Il y a quelques jours, c’était la journée mondiale de la santé sécurité. Et cette année, l’accent était porté sur les accidents de travail. Les accidents du travail ont augmenté de 3,7% en moyenne par rapport à l’année précédente. Mais pour les plus de 60 ans, les accidents de travail ont augmenté de 20,4%.
Et les solutions que propose ce gouvernement face à cela, c’est de continuer à augmenter la flexibilité et allonger la durée de la carrière, encourager les + de 65 ans à retravailler…
Ce sont des irresponsables.
Le rôle du gouvernement n’est-il pas d’assurer le bien-être de la population, de reprendre les rênes pour éviter des dérives insupportables, plutôt que de se faire mener à la baguette par les logiques financières et faire crever les plus faibles à petit feu ?
La principale préoccupation du gouvernement, ce sont les marchés financiers. Le gouvernement et les partis qui le composent sont otages, non, sont complices des agences de notation et sont prêts à tout pour satisfaire leurs moindres envies.
Les taux d’intérêts sur la dette augmentent ? Vite, une mesure anti-sociale pour rassurer les marchés financiers…

Le 1er mai, mes Camarades, doit redevenir la vraie fête des travailleurs. Pas seulement la commémoration des combats d’hier, mais le point de départ des combats d’aujourd’hui et de ceux de demain.
Nous devons redonner des perspectives aux jeunes, aux travailleurs sans emplois, aux femmes, aux pensionnés, aux agents de la fonction publique, aux immigrés.
Nous devons reprendre les rênes, revenir aux fondements mêmes de notre combat, à ce combat de classe qui nous unit tous, quel que soit notre statut, contre ceux qui nous exploitent.
Et le PS dans tout çà ?  Le PS fait mine de se réveiller aujourd’hui. Il dit qu’il va s’attaquer aux paradis fiscaux, qu’il va taxer les transactions financières, qu’il va relancer l’industrie… Mais il a attendu quoi pour le faire ?
Le PS nous parle de résistance, nous cite Jaurès, nous récite la charte de Quaregnon la main sur le cœur. Mais est-ce qu’ils savent encore où est Quaregnon ? Nous, les borains de la FGTB, on sait où est Quaregnon, et on sait surtout pourquoi on l’a écrite cette charte !
La résistance, ce n’est pas négocier le poids des chaines pour essayer qu’elles fassent un peu moins mal aux chevilles de ceux qui les portent, la résistance, c’est casser ces chaines !
La résistance, ce n’est pas négocier la couleur des banquettes du wagon de ceux qui vont se faire gazer, la résistance c’est arrêter le train, c’est dévier la voie !
Nous voulons un changement de cap. Nous ne voulons pas des miettes ou de la soupe populaire, nous voulons casser nos chaines et changer de voie !
Et donc nous voulons des engagements fermes et définitifs de la part du PS :
·        Qu’on arrête de taper sur les chômeurs
·        Qu’on aille réellement chercher les moyens dans les poches du capital en faisant sauter le secret bancaire. Techniquement on sait le faire. Qu’ils le fassent
·        Qu’on renforce les services publics plutôt que de taper dessus, en engageant par exemple de nouveaux agents pour lutter contre la fraude fiscale et en finir avec les paradis fiscaux
·        Qu’on interdise les licenciements boursiers et qu’on renforce les statuts des travailleurs pour les protéger
·        Que le PS s’oppose au traité budgétaire qui nous mettra la corde au cou et justifiera toutes les régressions sociales
·        Que le PS se batte à nos côtés pour un changement de cap, pas simplement pour mettre des rustines pour cacher la misère
Nous voulons des engagements, fini le baratin !

Mais, mes Camarades, nous devons aussi faire notre propre auto critique. Et nous devons aussi nous remettre en question au sein de la FGTB. Notre projet de société s’inscrit dans la lutte des classes, il vise à une transformation radicale de la société. Et nous devons sans cesse le rappeler à ceux qui en nos rangs ont tendance à l’oublier. Nous devons convaincre ceux qui ont peur, nous devons  redonner des perspectives, prouver que c’est dans l’union que nous parviendrons à changer le système, que ce n’est qu’à travers la solidarité que nous parviendrons à arrêter de nous faire exploiter.
Mais pour recréer cette cohésion, nous avons besoin de victoires camarades, nous devons redevenir des conquérants, ne plus subir mais redevenir des acteurs de progrès social en nous mobilisant pour atteindre nos objectifs.
Et c’est tout à fait possible Camarades, ce n’est pas une utopie !
Pour s’en convaincre, pour convaincre ceux qui doutent, il suffit de se poser une question : Qui crée les richesses ? Qui alimente le moteur ? Est-ce que ce sont les actionnaires et les patrons, ou est-ce que ce sont les travailleurs qui créent les richesses?
De qui peut-on se passer pour faire tourner le moteur ? Des travailleurs ? et bien qu’ils aillent les faire tourner les usines, qu’ils aillent soigner les malades dans les hopitaux, qu’ils aillent travailler dans les call center et aux guichets des banques, qu’ils aillent galérer sur les chantiers ; ils ne tiendraient pas une semaine.
Mais nous par contre, on peut très bien se passer de ces patrons et de ces actionnaires-là.
En moyenne, pour financer une entreprise, le capital apporté par les actionnaires représente entre 10% et 20%. Les 80 à 90% restants proviennent de la collectivité :  
Quand une banque prête à une entreprise, c’est en utilisant les salaires des travailleurs qui transitent sur les comptes (même si après le 10 du mois il n’en reste plus grand-chose)
Ce que nous payons aux assurances, assurances vie, assurance auto, assurances pour tout, ils le reprêtent aux entreprises
Nos impôts financent les entreprises.
Les milliards de réductions de cotisations sociales qui devraient financer notre sécurité sociale, notre salaire différé, cela finance les entreprises.
Et l’épargne forcée chaque fois qu’ils manipulent l’index ou qu’ils gèlent nos salaires, c’est avec çà aussi qu’ils financent les entreprises.
Non seulement nous fournissons la main d’œuvre, mais 80 à 90% du financement nécessaire pour faire tourner les entreprises provient de nos poches Camarades. De la collectivité. Ils ne mettent que 20% et se donnent le droit de nous exploiter !
Nous devons leur rappeler. Nous devons leur dire que s’ils n’investissent plus, s’ils ne créent plus d’emplois de qualité, s’ils ne contribuent plus à alimenter les caisses de solidarité,  et bien nous n’avons plus besoin de ces patrons-là.
La FGTB dit oui à la concertation sociale, dit oui au progrès social, mais la FGTB continuera à dire non à la régression sociale
Pour terminer, je ne citerai pas Jaures, mais je me permettrai de citer un extrait de la charte de Quaregnon, parce que je sais où est Quaregnon et parce que nous, à la FGTB, nous sommes les véritables héritiers de cette charte:
L’extrait dit ceci :
« Les travailleurs ne peuvent attendre leur complet affranchissement que de la suppression des classes et d'une transformation radicale de la société actuelle. (Et pour atteindre)Cette transformation (…) l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes. »
Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes Camarades, les politiques ne feront rien pour nous si nous ne renforçons pas la pression. Obligeons-les à représenter nos intérêts, pas celui du capital ni celui des agences de notation, celui des travailleurs !

La fête des travailleurs nous appartient
Bonne fête Camarades
Vive la classe ouvrière
Vive la FGTB
Et vive les borains

Jean-François Tamellini

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