par Jean-François Tamellini,
Secrétaire fédéral FGTB
- Nous poursuivons la publication de prise de positions syndicales dans le cadre du 1er mai en reproduisant le discours de Jean-François Tamellini, le nouveau Secrétaire Fédéral de la FGTB. Discours qu'il a prononcé au meeting de 1er mai de la FGTB Mons-Borinage à la salle Calva de Flénu.
Je vous remercie pour l’invitation mes Camarades. Cela me
fait particulièrement plaisir d’être parmi vous en ce 1er mai, ici
dans le Borinage, entre borains, à quelques pas de Quaregnon, où le terme
Camarade prend tout son sens.
Notre Secrétaire Régionale retracera dans son discours
l’origine du 1er mai.
Cette journée qui appartient aux travailleurs, où nous
nous souvenons des avancées sociales que nos prédécesseurs ont obtenues grâce à
leurs combats
Du suffrage universel à la journée des huit heures, des
congés payés aux allocations familiales, du congé de maternité au revenu
minimum garanti, de la sécurité sociale au droit de grève, autant de victoires
conquises par les travailleurs dans des combats mémorables qui ont marqué
l’histoire sociale de ce pays.
D’une concertation sociale qui rimait avec progrès social
après la seconde guerre mondiale, on est passé à une concertation sociale qui
rimait avec compétition sociale dans les années 80 et 90, plaçant les
travailleurs en concurrence les uns contre les autres. Et puis aujourd’hui,
concertation sociale ne rime plus qu’avec régression sociale…
1 jour pour fêter les Travailleurs, 364 où les
travailleurs galèrent !
Evidemment, et il faut savoir aussi le reconnaitre, nous
engrangeons encore quelques avancées. Grâce à nos mobilisations.
Il y a quelques semaines, on a revalorisé les plus
petites pensions et augmenté le salaire minimum. On a augmenté les minima pour
les malades et les invalides. On a aussi obtenu la fin des discriminations
liées à l’âge pour les jeunes
Mais le prix à payer pour ces faibles avancées est très
lourd. Et le résultat totalement insuffisant. On ne va pas se mentir entre nous
Camarades.
Depuis que ce gouvernement fédéral a pris les rênes, ce
sont 20 milliards d’économie qui ont été imposés à la population. 20 milliards en
moins tous les ans dans les caisses publiques. Et pas sur le dos des rentiers
ou des actionnaires comme certains veulent nous le faire croire. Mais sur le
dos :
· des chômeurs, avec la dégressivité et la fin de
droits pour 30.000 chômeurs dans les prochains mois alors qu’il n’y a pas
d’emplois ; et les jeunes sont particulièrement touchés
· sur le dos des pensionnés, dont 24% vivent sous
le seuil de pauvreté ; 1 pensionné sur 4 est pauvre. Et 3 sur 4 galèrent.
· sur le dos des services publics qui se font
littéralement détrousser, et dont les conséquences vont se faire sentir
lourdement sur la population. Toucher aux services publics, c’est augmenter les
inégalités et c’est toucher à notre pouvoir d’achat.
Un
exemple : Un cursus scolaire, de la maternelle à l’unif, sans services
publics, coûterait 104.000€. Qui
pourrait se le permettre ici ?
Est-cela que nous voulons pour nos
enfants ?
· ces 20 milliards d’économie, ce sont les femmes aussi
qui les casquent, en continuant à faire l’objet de discriminations salariales,
à faire les frais des contrats précaires, à subir des pensions de misère
· ces 20 milliards d’économie, ce sont les
immigrés qui les payent ; Et le Borinage est une terre d’immigration. Des
immigrés à qui le système coupe les racines, obligés de quitter leurs pays parce
qu’ils sont exploités ou subissent des guerres, et qui se font ensuite chasser
dans les pays où ils essayent de se reconstruire
· et bien sur les travailleurs en font les frais
également, avec des licenciements qui n’en finissent plus de se succéder, et avec
des salaires qui n’augmenteraient plus pendant 6 ans au minimum, voire bien
plus si le traité budgétaire devait être ratifié.
Nous refusons à la FGTB cette norme 0 et nous le
répèterons encore à la ministre de l’emploi. Nous négocierons des augmentations
de salaires là où cela sera possible.
Parce qu’on sait très bien que le gouvernement ne
s’arrêtera pas à 20 milliards si on le laisse faire. L’objectif initial était
de 25 milliards. Demain, à cause du traité austéritaire européen, l’effort sera
de 30 milliards ; jusqu’à la prochaine salve. Et alors, après les chômeurs,
les pensionnés, les fonctionnaires, ce seront les malades et les invalides à
qui le gouvernement fera la chasse, parce que les dépenses INAMI augmentent et
que certains se verraient bien privatiser tout le business de la santé ;
et tant pis pour ceux qui n’auront plus les moyens de se soigner…
Nous devons sortir de cette austérité, qui ne règle rien,
que du contraire :
Les résultats de l’austérité, c’est une explosion sans
précédent du chômage partout en Europe. Les records sont battus tous les mois.
23 mois consécutifs d’augmentation du chômage en Europe. 26 millions de
chômeurs dans l’UE, soit 11% de la population active.
Grèce : 27,2%
Espagne : 27,1% ; jeunes : 57% ; et
le taux serait encore plus élevé si 280.000 jeunes n’avaient pas fui le pays
pour essayer de trouver du boulot ailleurs
France : record battu ce mois-ci, avec 5 millions de
chômeurs
Portugal, Chypre : explosion des taux de chômage ;
Italie idem. Et nous suivons la même pente en Belgique en continuant sur le
chemin de l’austérité.
La soupe populaire n’a jamais été autant sollicitée et le
taux de pauvreté chez les jeunes enfants, qui souffrent de malnutrition, est en
train d’exploser.
Mais jusqu’où
ira-t-on ? L’austérité est le problème, pas la solution.
Il y a quelques jours, c’était la journée mondiale de la
santé sécurité. Et cette année, l’accent était porté sur les accidents de
travail. Les accidents du travail ont augmenté de 3,7% en moyenne par rapport à
l’année précédente. Mais pour les plus de 60 ans, les accidents de travail ont
augmenté de 20,4%.
Et les solutions que propose ce gouvernement face à cela,
c’est de continuer à augmenter la flexibilité et allonger la durée de la
carrière, encourager les + de 65 ans à retravailler…
Ce sont des irresponsables.
Le rôle du gouvernement n’est-il pas d’assurer le bien-être
de la population, de reprendre les rênes pour éviter des dérives
insupportables, plutôt que de se faire mener à la baguette par les logiques
financières et faire crever les plus faibles à petit feu ?
La principale préoccupation du gouvernement, ce sont les
marchés financiers. Le gouvernement et les partis qui le composent sont otages,
non, sont complices des agences de notation et sont prêts à tout pour
satisfaire leurs moindres envies.
Les taux d’intérêts sur la dette augmentent ? Vite,
une mesure anti-sociale pour rassurer les marchés financiers…
Le 1er mai, mes Camarades, doit redevenir la
vraie fête des travailleurs. Pas seulement la commémoration des combats d’hier,
mais le point de départ des combats d’aujourd’hui et de ceux de demain.
Nous devons redonner des perspectives aux jeunes, aux
travailleurs sans emplois, aux femmes, aux pensionnés, aux agents de la
fonction publique, aux immigrés.
Nous devons reprendre les rênes, revenir aux fondements
mêmes de notre combat, à ce combat de classe qui nous unit tous, quel que soit
notre statut, contre ceux qui nous exploitent.
Et le PS dans tout çà ? Le PS fait mine de se réveiller aujourd’hui.
Il dit qu’il va s’attaquer aux paradis fiscaux, qu’il va taxer les transactions
financières, qu’il va relancer l’industrie… Mais il a attendu quoi pour le
faire ?
Le PS nous parle de résistance, nous cite Jaurès, nous
récite la charte de Quaregnon la main sur le cœur. Mais est-ce qu’ils savent
encore où est Quaregnon ? Nous, les borains de la FGTB, on sait où est
Quaregnon, et on sait surtout pourquoi on l’a écrite
cette charte !
La résistance, ce n’est pas négocier le poids des chaines
pour essayer qu’elles fassent un peu moins mal aux chevilles de ceux qui les
portent, la résistance, c’est casser ces chaines !
La résistance, ce n’est pas négocier la couleur des
banquettes du wagon de ceux qui vont se faire gazer, la résistance c’est
arrêter le train, c’est dévier la voie !
Nous voulons un changement de cap. Nous ne voulons pas
des miettes ou de la soupe populaire, nous voulons casser nos chaines et
changer de voie !
Et donc nous voulons des engagements fermes et définitifs
de la part du PS :
·
Qu’on arrête de taper sur les chômeurs
·
Qu’on aille réellement chercher les moyens dans
les poches du capital en faisant sauter le secret bancaire. Techniquement on
sait le faire. Qu’ils le fassent
·
Qu’on renforce les services publics plutôt que
de taper dessus, en engageant par exemple de nouveaux agents pour lutter contre
la fraude fiscale et en finir avec les paradis fiscaux
·
Qu’on interdise les licenciements boursiers et
qu’on renforce les statuts des travailleurs pour les protéger
·
Que le PS s’oppose au traité budgétaire qui nous
mettra la corde au cou et justifiera toutes les régressions sociales
·
Que le PS se batte à nos côtés pour un
changement de cap, pas simplement pour mettre des rustines pour cacher la
misère
Nous voulons des engagements, fini le baratin !
Mais, mes Camarades, nous devons aussi faire notre propre
auto critique. Et nous devons aussi nous remettre en question au sein de la FGTB.
Notre projet de société s’inscrit dans la lutte des classes, il vise à une
transformation radicale de la société. Et nous devons sans cesse le rappeler à
ceux qui en nos rangs ont tendance à l’oublier. Nous devons convaincre ceux qui
ont peur, nous devons redonner des
perspectives, prouver que c’est dans l’union que nous parviendrons à changer le
système, que ce n’est qu’à travers la solidarité que nous parviendrons à
arrêter de nous faire exploiter.
Mais pour recréer cette cohésion, nous avons besoin de
victoires camarades, nous devons redevenir des conquérants, ne plus subir mais
redevenir des acteurs de progrès social en nous mobilisant pour atteindre nos
objectifs.
Et c’est tout à fait possible Camarades, ce n’est pas une
utopie !
Pour s’en convaincre, pour convaincre ceux qui doutent,
il suffit de se poser une question : Qui crée les richesses ? Qui
alimente le moteur ? Est-ce que ce sont les actionnaires et les patrons,
ou est-ce que ce sont les travailleurs qui créent les richesses?
De qui peut-on se passer pour faire tourner le moteur ?
Des travailleurs ? et bien qu’ils aillent les faire tourner les usines,
qu’ils aillent soigner les malades dans les hopitaux, qu’ils aillent travailler
dans les call center et aux guichets des banques, qu’ils aillent galérer sur
les chantiers ; ils ne tiendraient pas une semaine.
Mais nous par contre, on peut très bien se passer de ces
patrons et de ces actionnaires-là.
En moyenne, pour financer une entreprise, le capital
apporté par les actionnaires représente entre 10% et 20%. Les 80 à 90% restants
proviennent de la collectivité :
Quand une banque prête à une entreprise, c’est en
utilisant les salaires des travailleurs qui transitent sur les comptes (même si
après le 10 du mois il n’en reste plus grand-chose)
Ce que nous payons aux assurances, assurances vie,
assurance auto, assurances pour tout, ils le reprêtent aux entreprises
Nos impôts financent les entreprises.
Les milliards de réductions de cotisations sociales qui
devraient financer notre sécurité sociale, notre salaire différé, cela finance
les entreprises.
Et l’épargne forcée chaque fois qu’ils manipulent l’index
ou qu’ils gèlent nos salaires, c’est avec çà aussi qu’ils financent les
entreprises.
Non seulement nous fournissons la main d’œuvre, mais 80 à
90% du financement nécessaire pour faire tourner les entreprises provient de
nos poches Camarades. De la collectivité. Ils ne mettent que 20% et se donnent
le droit de nous exploiter !
Nous devons leur rappeler. Nous devons leur dire que s’ils
n’investissent plus, s’ils ne créent plus d’emplois de qualité, s’ils ne
contribuent plus à alimenter les caisses de solidarité, et bien nous n’avons plus besoin de ces
patrons-là.
La FGTB dit oui à la concertation sociale, dit oui au progrès
social, mais la FGTB continuera à dire non à la régression sociale
Pour terminer, je ne citerai pas Jaures, mais je me
permettrai de citer un extrait de la charte de Quaregnon, parce que je sais où
est Quaregnon et parce que nous, à la FGTB, nous sommes les véritables
héritiers de cette charte:
L’extrait dit ceci :
« Les travailleurs ne peuvent attendre leur
complet affranchissement que de la suppression des classes et d'une
transformation radicale de la société actuelle. (Et pour atteindre)Cette
transformation (…) l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des
travailleurs eux-mêmes. »
Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes Camarades,
les politiques ne feront rien pour nous si nous ne renforçons pas la pression.
Obligeons-les à représenter nos intérêts, pas celui du capital ni celui des
agences de notation, celui des travailleurs !
La fête des travailleurs nous appartient
Bonne fête Camarades
Vive la classe ouvrière
Vive la FGTB
Et vive les borains
Jean-François Tamellini
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